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arrive au même résultat, et l’eau dépensée indique la teneur en beurre.

L’expert chimiste du XXe siècle dispose d’un assez grand nombre de procédés d’examen dont nous ne citerons que les plus curieux. Mouilleurs de lait, et mouilleurs de vins aussi, étendent très souvent leurs liquides avec de l’eau de puits, par parenthèse d’une propreté douteuse et d’une salubrité équivoque, parce qu’il est plus facile de dissimuler ainsi leur mauvais acte, les fontaines étant trop en vue la plupart du temps. Or, les eaux de puits sont fréquemment souillées de nitrates et de nitrites, naturellement absens du lait pur et exclus du vin naturel ; donc, toutes les fois qu’on aura découvert ces élémens dans un lait ou un vin, c’est que lait ou vin auront été intentionnellement mouillés. Le réactif chimique spécial à ces deux catégories de sels voisins fournit des indications très nettes (une belle teinte bleue), entre les mains du premier praticien venu. Malheureusement, en sens inverse, l’échec de l’épreuve ne prouve pas que le lait soit loyal et montre seulement que le mouillage, s’il a été pratiqué, résulte d’une eau non polluée par les infiltrations organiques.

On a proposé de débarrasser le lait de sa matière grasse pour l’étudier à part et de mesurer la densité ou le pouvoir réfringent du résidu, mais il existe un procédé beaucoup plus simple qui ne nécessite pas un instrument aussi coûteux qu’un réfractomètre. On observe tout simplement le point de congélation du lait fortement refroidi, car, chose curieuse, les liquides de l’organisme, comme le lait ou le sang, se concrètent à une température presque invariable : — 0°, 55, ou — 0°, 56. L’eau pure, tout le monde le sait, se prend à 0°. Donc un lait qui, plongé dans un mélange réfrigérant, — une sorbetière, par exemple, — se glace trop vite ou trop facilement, est mouillé. Si la congélation se produit à un demi-degré sous zéro, par exemple, la fraude est patente.

Il faut, par exemple, expérimenter sur du lait frais et bien conservé. S’il a reçu du bichromate de potasse (1 gramme par litre, suivant les instructions ministérielles), l’expérience réussit bien, mais au prix d’une petite correction ; s’il n’en a pas reçu, avec le temps, le sucre de lait fermentant produit de l’acide lactique, qui fausse les résultats, mais qui est facile à reconnaître et à doser, ce qui permet d’éliminer l’erreur après calcul.