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notre expert ne saurait trop se familiariser avec les cultures, le mode d’élevage du territoire qui l’environne ; à Caen, il doit être cidrier, à Montpellier viticulteur, à Lille brasseur. Traditions du commerce local, questions économiques, législatives, il doit tout savoir, et encore la possession des connaissances que nous venons d’énumérer ne tirerait pas d’affaire un érudit ou un praticien qui ignorerait les élémens du droit et qui ne saurait pas rédiger un rapport avec ordre et clarté.

Des Facultés des Sciences peuvent sans doute sortir de bons sujets, mais les mieux préparés seront les anciens étudians en médecine ou pharmacie ou les diplômés de l’Institut agronomique qui auront complété leurs études par un stage dans les Facultés des Sciences. N’oublions pas les écoles vétérinaires qui peuvent fournir d’utiles spécialistes, ce qui nous amène à dire qu’il y a plus d’avantages que de sérieux inconvéniens a ce que l’expert se cantonne ultérieurement dans les études de son choix.

Nous risquerions fort d’ennuyer nos lecteurs en exposant tout au long l’histoire du concours tenu en 1911, à Paris au ministère de l’Agriculture, pour l’emploi de chef agréé au laboratoire municipal de Grenoble. Ne retenons que les épreuves pratiques qui suivaient la discussion préalable des titres, et diverses épreuves écrites éliminatoires. On offrait aux candidats en vue de l’examen au microscope un échantillon de moutarde, intelligemment fraudé, quoique sans excès, avec de la farine de riz, du maïs et un peu de curcuma. Puis on présentait un vin rouge aseptisé avec des fluorures et des borates ; il s’agissait non seulement de déceler la présence de ces dangereuses matières, mais d’analyser la coloration du liquide ; or celle-ci se trouvant naturelle, la question constituait une « colle[1]. » Pour finir, les concurrens devaient procéder à l’analyse assez approfondie d’un échantillon de vin rouge.

Avant sa réorganisation qu’avait précédée une fermeture provisoire, Grenoble avait subi une épreuve assez intéressante et dont l’exposé mérite d’être résumé ici. Il s’agissait d’un chocolat fabriqué à Lyon au sujet duquel le laboratoire municipal de Grenoble avait émis, il y a peu d’années, un avis carrément défavorable. Les usiniers se jugeant lésés assignèrent le

  1. Mentionnons seulement une épreuve qui s’écarte du cadre de cet article : l’examen d’une teinture pour cheveux.