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Nord dès le début du XIe siècle, mais elle y était restée engagée dans les voies de l’art décoratif venu d’Orient à la fin de l’antiquité. Les sculpteurs septentrionaux n’eurent véritablement la notion du relief que lorsqu’ils eurent été initiés à leur tour aux méthodes de la statuaire méridionale.

Dès le milieu du XIe siècle les rapports de tout genre qui s’établirent entre le Nord et le Midi rendirent cette pénétration possible. Les pèlerinages tels que ceux de Bernard d’Angers, qui fit trois fois le voyage de Conques et vint aussi à Notre-Dame du Puy, eurent sans doute sur ce mouvement une influence décisive. L’écolier de Chartres nous raconte lui-même les efforts qu’il fit à son retour dans le Nord pour répandre autour de lui le culte de sainte Foy. Il n’est pas interdit de supposer que l’usage des statues-reliquaires pénétra dans le Nord par cette voie, et il ne faut pas s’étonner de l’y trouver implanté dès la fin du XIe siècle. C’est évidemment au cou d’une statue de la Vierge que la comtesse Godiva de Malmesbury suspend le collier de pierres précieuses dont parle son chroniqueur[1]. Une Vierge de majesté en bois peint, du début du XIIe siècle, est conservée à Gassicourt (Seine-et-Oise). Des statues du même genre et de la même époque existent à Foy et à Scherpenheuvel en Belgique, à Maria-Zell en Allemagne. La fameuse madone de la crypte chartraine, reproduite sur le tympan Sud du Portail Royal, parait avoir été aussi créée au même moment. Grâce aux colonies de Cisterciens, ces statues pénétrèrent jusque dans les pays Scandinaves. On a pu en voir à l’exposition d’art religieux tenue à Strängnas (Suède) en 1910 un certain nombre d’exemplaires[2]. Enfin, cette représentation de la Madone fut accueillie dans le Nord avec une telle faveur, qu’elle servit parfois à orner les chapiteaux et devint un motif courant sur les tympans des portails.

En même temps que l’usage des statues-reliquaires la sculpture monumentale pénétrait dans les principales écoles provinciales du Nord ; au Midi elle franchissait les Alpes et les Pyrénées et par delà la Méditerranée on retrouve ses œuvres dans les monumens élevés par les croisés en Syrie et dans l’île de Chypre. A la fin du XIIe siècle, l’évolution était terminée. Tandis que l’ancienne formule décorative allait continuera régner dans

  1. Guill. de Malmesbury, Rolls Series, t. 52, p. 311.
  2. Revue de l’Art chrétien, 1911, p. 293.