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Telle fut l’origine des ateliers qui couvrirent de leurs œuvres les grandes villes hellénistiques, Alexandrie, Antioche, Rhodes, Pergame, Ephèse. La culture indigène ne fut pas toutefois entièrement détruite, et c’est là un fait que les découvertes de ces dernières années ont contribué surtout à mettre en lumière. Tandis que l’art hybride des grandes villes faisait la conquête de l’Empire romain, dans les régions continentales des pays d’Orient, à l’intérieur du plateau d’Anatolie, en Perse, en Syrie, en Egypte, les procédés de l’ancien art oriental résistèrent à l’invasion de la mode hellénique.

Ce furent justement ces territoires qui devinrent à la fin de l’antiquité les centres d’une vraie renaissance nationale. Au même moment, les langues indigènes reparaissent dans les inscriptions à côté du grec (à Palmyre par exemple), le paganisme est abandonné pour les religions orientales ou le christianisme, enfin il n’est pas jusqu’au domaine de l’art où l’hellénisme ne subisse aussi de profondes défaites. Dès le Ve siècle on trouve en Orient un art national mésopotamien, un art national syrien et un art national copte.

Il est un trait commun à toutes ces écoles : c’est leur aversion pour la sculpture dans l’espace et le modelage. Les arts plastiques n’y sont guère représentés que par des bas-reliefs qui couvrent des panneaux de pierre et de bois ou ornent les nombreux objets d’ivoire en usage à cette époque. La statuaire ne tient plus aucune place dans un art qui devient de plus en plus essentiellement décoratif. Des monumens considérables, comme les églises syriennes ou le palais de Mschatta dans le pays de Moab, étaient dépourvus entièrement de statues. La mode même de constructions en briques qui tend alors à prévaloir en Orient, est réfractaire par nature à toute décoration tirée du modelage. Pour dissimuler l’intrados des coupoles ou pour revêtir les murailles, on employa comme dans l’ancienne Perse les panneaux de faïence émaillée, les grandes compositions en bas-relief, les mosaïques à fond d’or et aussi les étoiles précieuses.

Telle est, à partir du Ve siècle, la nouvelle forme d’art qui tend à se répandre dans le monde entier et à éliminer les traditions hellénistiques. Non seulement Constantinople et l’art byzantin en sont tributaires, mais son influence s’exerce sur les contrées les plus lointaines de l’Occident, comme le prouvent les rapports incontestables que la miniature irlandaise présente