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desquels a été ordonnée l’arrestation du 18 décembre, mesure telle que Son Altesse Royale frémira devant l’usage qu’on a fait de son nom. » Après que la justice eut pris connaissance des papiers envoyés par Piranesi, elle se sentit en état de convaincre les accusés et leur donna un compagnon de captivité en faisant arrêter le colonel Aminoff dont les lettres se trouvaient parmi les documens saisis. Le gouverneur du Roi, Gyldensdolpe, son précepteur Schrodereim étaient également compromis par leurs relations avec Armfeldt, dont on tenait les preuves. Mais le jeune Gustave IV intervint en leur faveur et, soutenu par le Régent, il les arracha aux grilles de Reuterholm. Après leur avoir adressé une remontrance sévère, on se contenta d’exiger leur démission et de les éloigner de la Cour.

Pareille mesure aurait dû être prise envers les autres accusés, car aucun d’eux n’était coupable. Lorsque aujourd’hui, à une si longue distance de ces événemens, on examine la conduite qu’on leur reprochait, il est impossible de comprendre qu’on ait osé les traduire on justice comme complices d’Armfeldt. Ehrenstrom, tout en critiquant violemment les actes de la régence et en cherchant les moyens d’en conjurer les suites, avait néanmoins désapprouvé ceux que proposait Armfeldt. Aminoff, qui d’abord s’était montré disposé à porter à l’impératrice Catherine les propositions de son ami, y avait ensuite renoncé et s’il était resté en correspondance avec lui, c’était moins encore pour l’encourager dans un dessein qu’il jugeait plus dangereux que le mal qu’Armfeldt voulait empêcher, que pour l’en détourner. Quant à Mlle de Rudenschold, son rôle s’était borné à essayer d’ouvrir les yeux du jeune Roi sur les dangers que faisait courir à l’Etat la politique de la régence et à transmettre à l’ambassadeur Stackelberg les communications de son amant. En admettant même qu’Armfeldt fût coupable et qu’en envisageant la possibilité de recourir aux bons offices de l’impératrice Catherine pour obtenir du Régent le renvoi de Reuterholm, il eut commis un crime, il est évident qu’aucun de ceux dont on faisait ses complices n’y avait participé.

Tout était donc monstrueux dans le procès qu’on leur intentait : les contemporains sont d’accord sur ce point et c’est aussi le jugement de la postérité. Elle a même trouvé juste, tout en reconnaissant que la conduite d’Armfoldt fut répréhensible, de lui tenir compte de la non-exécution de ce plan abandonné