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non comme un diplomate pour qui la discrétion et la réserve sont un devoir, mais comme le censeur acerbe des actes du gouvernement qu’il représentait.

Ce n’eût été que demi-mal si son imprudente attitude n’avait compromis que lui. Malheureusement, elle avait pour effet de compromettre aussi et de rendre suspects ses correspondans de Suède, les amis auxquels il écrivait à toute heure pour les inviter à s’unir à lui afin de les faire aboutir. C’étaient le secrétaire royal Ehrenstrom, le colonel Aminoff, Madeleine de Rudenschold, d’autres encore qu’on savait en relations suivies avec lui. On ne pouvait encore invoquer contre eux aucune charge positive. Dans les lettres interceptées à Hambourg, il y avait des parties en clair qui ne suffisaient pas à dresser un acte d’accusation ; il y avait aussi des parties chiffrées ; mais on ne possédait pas la clé du chiffre ; elles restaient par conséquent intraduisibles.

Néanmoins, quoique Reuterholm ne fût pas encore assez armé pour intenter à Armfeldt et à ses complices un procès criminel, il avisait déjà aux moyens de les poursuivre comme conspirateurs et auteurs d’une entreprise contre la sûreté de l’Etat. Il est vrai qu’Armfeldt restait hors de sa portée et il ne croyait pas qu’il consentirait à revenir en Suède pour répondre à l’accusation. Mais il n’était pas impossible de se saisir de lui, soit en lui tendant un piège, soit en demandant au roi de Naples de le livrer. Telle parait avoir été l’origine du projet que, d’accord avec le Régent, Reuterholm n’allait pas tarder à exécuter.

Dès le mois de novembre, il songeait à s’assurer de la personne d’Armfeldt. Plusieurs navires de guerre suédois mouillaient dans la Méditerranée. L’un d’eux, commandé par le baron Palmquist, était à Gênes. Le Régent écrivit à cet officier pour l’inviter à se tenir prêt à faire voile pour Naples. Quelques jours plus tard, le 5 décembre, ordre lui était donné de partir. Il recevait en même temps une lettre destinée au roi des Deux-Siciles, qu’il devait lui remettre en mains propres. Elle avait pour objet d’obtenir pour le porteur l’autorisation d’arrêter le baron d’Armfeldt. Le Régent avait également écrit au général Acton, afin de le rendre favorable à cette demande. Ces ordres devaient rester secrets ; mais une indiscrétion fut commise par Claës Lagersvard qui était alors à Gênes. Il raconta que le baron