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dont jouissent actuellement les denrées zoniennes à Genève découle des dispositions du tarif fédéral ou de la loi fédérale des douanes, dispositions d’une portée générale que la Suisse a établies à son bénéfice et dont elle ne se départirait qu’à son détriment ; d’ailleurs n’avons-nous pas notre meilleure sauvegarde dans l’intérêt même de Genève qui a nécessairement besoin des vivres savoyards pour la subsistance d’une population toujours croissante ?

En attendant le jour, — prochain, nous le souhaitons, — d’une suppression de la zone, la Convention franco-suisse du 14 juin 1881 doit être maintenue à titre temporaire et transitoire, elle doit sortir améliorée des négociations qui vont s’ouvrir pour son renouvellement. Nous résumerons l’essentiel des desiderata zoniens à ce point de vue en demandant qu’eu égard à la franchise générale d’entrée dont jouit en zone la Suisse entière, le nombre des denrées zoniennes admises aux douanes fédérales en franchise ou avec réduction de droits soit largement augmenté, ainsi que les quantités à admettre, que ces privilèges soient accordés à l’importation non seulement dans le canton de Genève, mais encore dans les cantons limitrophes de Vaud et Valais ; qu’ils fassent l’objet non plus d’arrêtés fédéraux révocables, mais de conventions synallagmatiques ; qu’enfin le droit de modifier ou de supprimer la zone soit réservé explicitement et en tout temps au gouvernement français.

« Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, disait naguère un zonien. Laquelle ? La porte française ou la porte suisse ? » Il faut en effet choisir. La zone ne peut rester à la fois « franche » et « France, » dans cette situation singulière d’exterritorialité privilégiée qui a pu avoir son opportunité il y a cinquante ans, mais qui, déformée depuis lors, a fait son temps, qui a perdu au milieu de conditions économiques nouvelles sa raison d’être, et qui, tout en bénéficiant de la fraude, porte préjudice à la fois aux vrais intérêts de la population, à ceux de la production nationale, au bien supérieur du pays. Reconnaissons donc les nécessités actuelles, et, en supprimant la zone, faisons, de ce territoire « franc, » un territoire « français. »


L. PAUL-DUBOIS.