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que la question connexe de la neutralité savoyarde, dont on s’efforce de maintenir la survivance, en l’interprétant d’ailleurs d’une façon très spéciale, semble être parfois considérée bien moins comme un vestige respectable du passé que comme un enjeu gardé en vue d’une compensation éventuelle. Sans insister sur des tendances que nous ne voulons pas croire vraiment représentatives de l’opinion helvétique, bien que nous ne puissions en négliger les manifestations, nous dirons seulement qu’au point de vue français, la prévoyance politique et le souci de l’intérêt national nous paraissent réclamer qu’à côté de cette neutralité militaire de la Savoie du Nord qu’il ne dépend pas de nous d’abolir en droit, nous ne laissions pas survivre une neutralité douanière qui retranche un vaste territoire et 170 000 citoyens français de la vie économique du pays, et porte ainsi, dans une certaine mesure, atteinte à l’unité de la patrie : il faut rattacher les zoniens à la France par les intérêts matériels, comme ils le sont déjà par le sentiment patriotique.


VI

La suppression de la zone franche de la Haute-Savoie est donc désirable. Est-elle légalement possible ? Et comment ? C’est notre dernier point.

A en croire les zoniens intransigeans, la France n’aurait pas le droit d’abolir la zone d’annexion sans l’assentiment des intéressés, parce que l’existence de cette zone résulte d’engagemens officiels pris en 1860 par le gouvernement impérial et ratifiés par les populations au plébiscite du 23 mars (47 076 votes oui et zone). Il y aurait, au point de vue historique et juridique, beaucoup à dire sur la valeur du quasi-contrat ainsi intervenu entre la France et les zoniens : qu’il nous suffise de remarquer que rien en tout cas ne s’opposerait en droit à l’abolition de toutes les franchises gracieuses que des arrêtés ministériels d’une légalité d’ailleurs contestable ont octroyées à la zone postérieurement à 1860, et qu’il est hors de doute qu’à un retour éventuel au régime strict de 1860 les zoniens d’aujourd’hui ne préfèreraient encore la suppression de la zone. Mais nous ne voyons pas qu’il y ait lieu de faire violence à ces populations dont les vues sur la question de la zone franche ont d’elles-mêmes commencé à se transformer. Il suffit de les éclairer sur leurs