Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/816

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marchandises admises en franchise par application de la loi sur les douanes ou du tarif fédéral ; de sorte que la valeur des produits zoniens ressortissant à la Convention de 1811 et aux arrêtés ultérieurs ne s’élève qu’à 6 268 39l francs[1], soit au quart environ du chiffre global des importations de la zone. Nous en conclurons que l’application utile de cette convention et des arrêtés subséquens n’occupe qu’une place secondaire dans le jeu des relations commerciales de la zone avec la Suisse, et que le bénéfice net qu’en retirent les zoniens est bien réduit.

En revanche, et tandis que la Suisse se montre si avare de concessions à la zone, que voyons-nous ? Nous voyons que l’industrie suisse importe librement en zone ses produits, et le commerce suisse toutes ses marchandises, suisses ou étrangères. La porte zonienne est ouverte en grand à la Suisse ; la porte suisse n’est qu’au quart ouverte à la zone. D’une part, liberté absolue ; de l’autre, des concessions douanières très restreintes quant aux quantités, conditions et destination des importations. La France a donné à la Suisse un débouché économique appréciable, et n’a obtenu pour la zone en retour que de très modestes avantages : il y a un évident manque d’équilibre[2]. Et voyez la conséquence : c’est l’invasion lente de la zone par le commerce helvétique, au détriment du commerce national. Un négociant, un industriel français, établi en zone, s’il veut étendre ses affaires en Suisse ou en France, se voit arrêté par les douanes suisses comme par les douanes françaises ; il est emprisonné, et souvent on le verra émigrer en France ou même en Suisse. Le commerçant genevois au contraire, avec ses succursales en zone,

  1. Là-dessus il n’y a qu’une valeur de 2 983 675 francs qui bénéficie de la franchise complète ; le reste ne jouit que de réductions sur les taux du tarif conventionnel. — Pour être exact, le chiffre de 6 268 391 francs devrait d’ailleurs être diminué de 1 550 603 francs (valeur des importations d’œufs, exemptes en vertu de la loi sur les douanes), ce qui réduirait à 4 717 788 francs le chiffre correspondant à l’application utile de la Convention de 1881 et des arrêtés subséquens. — Une analyse très précise et très instructive du tableau des importations zoniennes en Suisse a été faite dans le Bulletin de la Chambre de Commerce française de Genève (n° du 20 septembre 1907) par un auteur des plus éclairés et compétens, M. H. Villeneuve.
  2. On a calculé qu’en 1901 la Suisse avait bénéficié, dans ses exportations dans les zones franches de Gex et de la Haute-Savoie, d’une exonération de droits de douane s’élevant à 2 251 000 francs, tandis que le bénéfice réalisé par les zoniens du fait des facilités douanières helvétiques dans leurs importations en Suisse n’avait atteint que 161 503 francs, soit 0 fr. 78 par tête d’habitant des zones. (Debussy, Rapport au nom de la Commission des Douanes sur la question des zones franches, 1905.).