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au lendemain de cette malheureuse tentative de l’Escalade, dont les Genevois célèbrent encore chaque année la mémoire, non sans quelque excès de chauvinisme. Dépouillée de ses possessions helvétiques, la Savoie perdra en même temps toutes ses possessions en France : au traité de Lyon, en 1601, elle cédera à Henri IV ce qui lui en restait en échange du marquisat de Saluces.

Voilà, en ce tournant de l’histoire, les portes du Nord fermées aux convoitises des princes savoyards. Celles du Midi s’ouvrent à eux, et leur politique, de bourguignonne devenue italienne, s’oriente dès lors vers la Lombardie et vers la péninsule dont ils réaliseront un jour à leur profit l’indépendance et l’unité. Séparée du Piémont par la nature avant de l’être par l’histoire, la Savoie, cette « marche » transalpine, n’est pour eux qu’une charge dans la paix, un risque dans la guerre. Comment assurer contre les Français la défense de cet Usbergo di Savoia ? Pendant deux cents ans, tous les efforts des ducs de Savoie, et de leurs successeurs les rois de Sardaigne, convergeront pour demander, à l’encontre de la France, la neutralité militaire de la Savoie, à garantir par qui ? par le corps helvétique. Dès 1611, la prétention est posée ; elle l’est en 1690 et en 1703 à Berne, elle l’est à Utrecht et à Aix-la-Chapelle : toujours la France s’y oppose. — Durant ce même temps, Genève qui, depuis sa rupture avec la Savoie, étroitement enserrée, enclavée entre ses puissans voisins, manquant de terre et d’air, étouffe ; Genève, qui s’est volontairement séparée de son « grenier » savoyard, et que les princes de Savoie peuvent affamer, qu’ils affament parfois, par la simple interdiction de sortie de leurs denrées alimentaires ; Genève, qui aspirerait à se constituer dans la Savoie du Nord la banlieue agricole qui lui manque, s’efforce au moins d’obtenir la liberté du commerce avec la Savoie, cette liberté qui est nécessaire à sa vie économique, et que sanctionnent, assez vaguement d’ailleurs, les traités de 1530, de 1564, de 1603 et de 1754.

Avec la Révolution, voici pour un temps Genève et la Savoie réunies sous l’égide française et rendues à leur communauté d’intérêts. Envahie par Montesquiou, la Savoie se donne à la France en 1792 ; elle subira les confiscations et les proscriptions, elle s’associera avec un enthousiasme vraiment national aux guerres et aux gloires napoléoniennes : de ce jour, elle sera de