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les femmes, puisque la loi ne les admettait pas aux magistratures. L’opposition est donc complète, en ce qui concerne le métier d’avocat aussi bien que celui de médecin, entre les mœurs romaines et les nôtres. Chez nous, les femmes ont été longtemps arrêtées à l’entrée de ces professions par des barrières qu’elles ont renversées à cause de la grande utilité qu’elles y trouvaient ; à Rome, rien ne les empêchait de soigner les malades ou de plaider pour les accusés, mais rien ne les y poussait non plus. Elles n’y rencontraient ni aucun obstacle, ni aucun profit.

Par là s’explique à la fois qu’il y ait eu un certain nombre de femmes médecins ou avocats, et que ce nombre soit demeuré assez restreint. Les « doctoresses » romaines n’intéressent guère que l’histoire anecdotique de l’art médical. Parmi les « avocates » au contraire, il en est une qui mérite de retenir un peu plus l’attention à divers titres. Par sa naissance d’abord : elle était fille de cet Hortensius qui avait été le plus brillant orateur de l’époque républicaine avant Cicéron, et l’un des hommes les plus marquans du parti aristocratique. La circonstance où elle prit la parole n’est pas indifférente non plus : c’était sous le triumvirat, au moment des proscriptions et des confiscations ; Octave, Antoine et Lépide avaient établi un impôt arbitraire sur les biens des quatorze cents femmes les plus riches de la ville, et ce fut pour protester contre cette mesure vexatoire qu’Hortensia prononça son discours, appuyée par un grand nombre de ses compagnes. C’était donc une femme qui parlait pour des femmes, et c’est aussi sur le terrain des droits féminins qu’elle semble avoir porté la discussion, autant que nous pouvons en juger à travers la traduction grecque que l’historien Appien nous a laissée de sa harangue. Ses argumens se ramènent à une idée essentielle : les femmes ne doivent pas être appelées à subir les conséquences des luttes civiles, parce qu’elles ne participent pas effectivement à ces luttes. « Si jamais nous n’avons déclaré l’un de vous ennemi public, détruit sa maison, soudoyé son armée, levé des soldats contre lui, contribué à l’exclure d’un commandement ou d’une charge, pourquoi aurions-nous part au châtiment, puisque nous n’en avons pas eu à la faute ?… Pourquoi nous faire contribuer de nos biens, puisque nous ne sommes pour rien dans les combats, dans les magistratures, dans le commandement des armées, en un mot dans ce