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une garantie, mais Hilmi a fait donner, assure-t-on, aux Jeunes-Turcs des assurances analogues à celles de Nazim. On a cru avoir besoin de Férid pacha, qui est Albanais, et dont la nomination ferait, pour ce motif, un bon effet en Albanie ; mais il demandée ministère de l’Intérieur et on hésite à le lui donner de peur de déplaire aux Jeunes-Turcs. On a voulu avoir Kiamil pacha : il ne s’est pas refusé, mais il a demandé la présidence du Conseil d’État, ce qui le met en marge du ministère, dans une situation d’attente, et tout le monde commence à dire qu’il est le grand vizir de demain. Quand le ministère Mouktar s’est formé, on l’a qualifié de grand ministère, à cause de la haute personnalité de la plupart de ses membres : le lendemain, on l’a appelé seulement ministère de transition et il semble bien qu’il ne soit pas autre chose. Sous cette couverture, brillante mais de faible contexture, les partis vont continuer d’intriguer et de s’agiter. La nouvelle révolution menace d’être changée en nourrice comme la précédente et il est naturel que l’Albanie manque de confiance et reste en insurrection. L’avenir reste en effet très incertain. Les intentions sont louables, mais faibles et dès lors suspectes. Le Comité Union et Progrès est battu, mais non pas vaincu. Il est composé d’hommes énergiques et sans scrupules qui n’acceptent pas leur défaite. On n’en a pas fini avec lui. Sa chute est profonde pourtant et, soit dit en passant, si on s’étonne de voir passer et repasser les noms de Saïd, de Kiamil, de Mouktar, qui ont tous plus de quatre-vingts ans, l’explication du rôle que jouent encore ces revenans perpétuels n’est-elle pas dans le fait que le régime nouveau, celui du Comité, n’a pas fourni des hommes capables de les remplacer ?

Nous avons dit un mot de la séance de la Chambre des députés que Saïd a organisée et mise en scène, après la démission de Mahmoud Chevket pacha, soit pour essayer de raffermir sa situation ébranlée, soit, s’il devait mourir, pour faire une belle mort. Il a prononcé un grand discours, qui a été complété par un autre du ministre des Affaires étrangères, Hassim bey. Il résulte de ces harangues d’apparat, dont on aurait sans doute tort de prendre les déclarations au pied de la lettre, que jamais la situation extérieure de la Turquie n’a été meilleure qu’en ce moment. On est bien, très bien avec toutes les puissances et particulièrement avec chacune d’elles. Saïd pacha a eu un mot aimable, obligeant, confiant, reconnaissant, pour les unes et pour les autres. A l’entendre, la Porte a repris, conformément à de vieilles traditions, les meilleurs rapports avec l’Angleterre. Elle n’a jamais cessé de les avoir avec la France. La présence de M. Sasonoff au