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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La Chambre des députés a voté la loi électorale avant de se séparer, à une majorité de 122 voix. C’est plus qu’on ne pouvait espérer lorsque le Cabinet Poincaré est arrivé aux affaires. Beaucoup de ceux qui se sont finalement prononcés en faveur de la réforme étaient en effet hésitans, perplexes, hostiles même : quelques-uns l’étaient sans oser l’avouer parce qu’ils étaient gênés par leurs engagemens électoraux, mais ils n’auraient pas été fâchés que la loi échouât sans qu’on pût les rendre directement responsables de son échec. Pour tous ces motifs, la situation du Cabinet était difficile et il a fallu au gouvernement, en même temps qu’une conviction très forte des mérites de la réforme, une somme de courage peu ordinaire pour affronter comme il l’a fait les obstacles, les briser ou les tourner.

Quand la discussion a été terminée, M. Poincaré a pris la parole une dernière fois pour expliquer quelle avait été l’attitude du gouvernement dans cette affaire. Lorsqu’il s’est formé, la situation n’était pas intacte ; la question de la représentation proportionnelle était posée ; la Chambre avait déjà émis plusieurs votes dont il fallait tenir compte ; elle avait pris parti sur certains points importans. M. Poincaré l’a rappelé avec raison. Il a rappelé aussi les concessions nombreuses qu’il avait faites sur des points de la loi qui ne touchaient pas à ses principes essentiels, en vue de ramener au projet le plus grand nombre possible de républicains. Il a ramené les votes, mais non pas les cœurs. Les radicaux-socialistes, qui sont une fraction considérable du parti républicain et ont la prétention d’être ce parti tout entier, ne lui pardonneront pas de n’avoir pas écouté leurs cris de détresse, de ne s’être pas arrêté devant leurs objurgations impérieuses et désespérées, enfin d’avoir réalisé les promesses de son programme et d’avoir fait voter une loi qu’ils avaient chargée de leurs malédictions.