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« Je suis flattée du jugement favorable que ces dames ont bien voulu porter sur moi dans leurs lettres. Elles ignorent apparemment que Son Altesse n’a pas cessé un instant de me faire la cour, soit en affectant de l’humeur, de l’indifférence ou en reprenant ses assiduités, que ce n’est chez moi nullement la crainte d’une passade, mais une résolution inébranlable qui fait que je ne cède point. »

La lettre qu’on vient de lire était à peine achevée que Madeleine en recevait une d’Armfeldt datée du 12 février. Il lui disait avoir reçu des billets anonymes remplis de menaces contre sa vie. Il en parlait avec mépris et comme un homme qui ne les redoutait pas. Mais il y voyait la preuve que des assassins avaient été soudoyés pour en finir avec lui. Madeleine en fut bouleversée, ainsi que le prouve ce post-scriptum qu’elle ajoutait à sa missive :

« Grand Dieu ! mon ami, quelle affreuse nouvelle tu me mandes ! à quel sort suis-je réservée ! Je prévoyais bien un malheur et ma crainte a toujours été de te voir la victime de la scélératesse de tes ennemis. »

C’est sans doute de la même époque que datent quelques lignes détachées d’une lettre qui s’est perdue et qui se trouvent parmi ces tristes reliques du passé :

« Non, je ne survivrai pas un seul instant à la perte du seul homme que je puisse aimer de la vie. Si tu aimes encore ta Malla, soigne-toi, fais ce que tu peux pour te sauvegarder. Adieu, idole de mon âme et recueille les baisers ardens que je dépose sur ce papier. »

Ses tourmens apparaissent de nouveau avec violence dans une autre lettre, écrite le 6 mars :

« Depuis l’instant fatal où tu m’as communiqué les funestes avis qui te sont remis, je n’ai plus de repos ; mon esprit agité se forme des fantômes de malheurs que rien ne dissipe, dont rien ne peut détruire la triste image. Je te revois sans cesse exposé aux dangers qui menacent ta vie. Trop magnanime, tu ne voudras jamais prendre de précautions et partout, à tout instant du jour, la main d’un scélérat peut l’atteindre. Tout mon sang se glace à cette pensée.

« Hélas ! mon cher ami, que ne m’as-tu pas laissé ignorer cette affreuse nouvelle, qui a détruit jusqu’à l’espoir d’un bonheur à venir ? Comment pourrais-je du moins m’en promettre