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afin d’assurer ù son mari, qui était médecin, la liberté d’esprit et le bien-être dont il avait besoin pour ses études, se faisait su servante. C’est aux femmes qu’il appartenait presque toujours de procéder aux recouvremens, de délivrer les quittances, d’apurer les comptes, de faire les emplettes ménagères et même, à la campagne, les ventes et les achats qui se rapportent à l’exploitation agricole. Mme de Charmoisy, la Philothée de saint François de Sales, occupait une partie de son temps, pendant les absences fréquentes de son mari, à classer, à coter de su main, à étudier les papiers d’affaires. Quand Antoine Arnauld, dans un plaidoyer dont nous nous sommes déjà servi, présente l’administration domestique comme l’une des attributions distinctives de l’épouse légitime par opposition à la concubine, le clavier qu’elle porte à la ceinture comme le symbole de son autorité dans cette administration, il allègue Festus et Cicéron et évoque la matrone romaine, mais il pense à ses contemporaines et c’est pour elles qu’il parle.

Cette vocation était si bien établie que la maîtresse de maison était de droit investie d’un mandat tacite et général du mari pour gérer les affaires du ménage, et que de ce chef elle obligeait celui-ci sans avoir besoin de-procuration spéciale. Le mari était tenu de payer les dettes contractées pur elle dans cet intérêt, et le premier président de la Chambre des comptes, Antoine Nicolaï, fut déclaré redevable de toutes les fournitures faites à crédit à la présidente, Marie Amelot, qu’il laissait sans argent.

Il y a peut-être lieu de distinguer, au point de vue de la responsabilité maritale, entre les dépenses purement ménagères et celles qui intéressent le patrimoine et, par exemple, le domaine rural. Le juriste Bouvol décide que, pour celles-ci, la femme ne peut engager son conjoint, mais tout à l’heure, quand nous la présentions comme capable d’agir au nom de celui-ci pour les besoins d’un faire valoir aussi bien que pour ceux du ménage, c’était l’opinion de Coquille que nous reproduisions. L’étendue de ses pouvoirs, la solidarité du mari dans ses actes d’administration domestique, peuvent être rangées parmi les matières controversées. Si le désaccord que nous venons de signaler à cet égard entre Coquille et Bouvot ne nous inclinait pas à le faire, nous y serions conduit par le plaidoyer d’un avocat qui soutient que Mme de Chemeraut avait qualité, sans autorisation maritale, pour recevoir un dépôt et s’obliger