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reproduit la célèbre statue, avec une légende, et de l’autre l’effigie même du Consul.

Le caractère intime et matinal de cette cérémonie excluait les grandes envolées d’éloquence. Six semaines plus tard (8 vendémiaire an XII-1er octobre 1803), Denon, récemment entré à l’Institut, profita de la séance publique de la classe des beaux-arts pour donner lecture d’un « discours » sur les monumens de l’art antique récemment acquis par le Musée. Brillant, spirituel, adulateur, alliant la fierté patriotique à une pointe de sentimentalité libertine, ce morceau est un échantillon caractéristique de la façon dont on entendait alors la critique d’art. Après avoir agréablement énuméré et décrit les principales sculptures qui venaient d’arriver d’Italie, Denon effeuillait aux pieds de la Vénus de Médicis les fleurs les plus précieuses de sa rhétorique. Avec une assurance qu’un avenir peu lointain devait cruellement démentir, il la proclamait définitivement fixée au Louvre : « Aujourd’hui nous pouvons dire aux arts rassurés qu’elle est sous la sauvegarde de la plus puissante des nations, et que le sanctuaire où elle est déposée est pour elle le temple de Janus dont les portes sont fermées à jamais. » Venait enfin l’obligatoire parallèle entre l’Apollon du Belvédère et la Vénus de Médicis, modèle d’archéologie galante à la mode du XVIIIe siècle : « L’Apollon vivant intimiderait la femme la plus hardie ; le jeune homme le plus timide accompagnerait d’une expression de sensibilité la première phrase qu’il adresserait à la Vénus. »

A peine était calmée l’émotion causée par l’installation au Louvre de la Vénus de Médicis, que les journaux annonçaient l’arrivée de la Pallas de Velletri. « Cette statue », avait naguère écrit le diplomate Alquier, « n’est pas aussi précieuse que la Vénus de Médicis, mais elle ne déparera pas la collection des chefs-d’œuvre dont le Premier Consul a enrichi la France. » Si sa célébrité était moindre, elle offrait par contre l’attrait de la nouveauté, puisque, exhumée depuis six ans seulement, elle avait été ensuite séquestrée, contestée, ballottée de Rome à Naples et de Naples à Marseille, au demeurant à peu près invisible. Les artistes qui l’avaient aperçue à Home la déclaraient d’ailleurs « aussi parfaite dans son genre que l’Apollon, la Vénus du Capitule, celle de Médicis, le Laocoon, l’Antinoüs, » auprès desquels elle allait prendre place au Musée Napoléon. Ce fut