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Vénus ; c’était la gloire de Florence. » En vain plus tard l’Empereur commandait-il à Canova une statue destinée à occuper la place vacante ; en vain le directeur de la police française en Toscane écrivait-il : « les artistes assurent que la Vénus de Napoléon égale la Vénus de Médicis, » rien ne fut capable de satisfaire les Florentins, rien que le retour après Waterloo de la statue tant pleurée.

Il faut dire qu’à Paris l’arrivée de la Vénus avait été saluée par des transports de joie bien propres à aviver les regrets des précédens possesseurs. Grâce aux incroyables lenteurs dont il a été question plus haut, la statue, partie de Marseille le 7 septembre 1802, ne parvint au quai du Louvre, que dans la matinée du 14 juillet 1803 : il fut donc impossible d’en inaugurer l’exposition pour ce jour de fête nationale, comme l’aurait désiré Bonaparte. Denon profita du mécompte pour préparer à loisir l’installation de la Vénus dans le musée provisoirement fermé ; son admiration s’épanchait en termes dithyrambiques : « La Vénus sera prête dans quelques jours et plus belle qu’elle n’a jamais été. C’est sans contredit la plus belle production de l’art ; c’est ce dont je me suis convaincu depuis qu’elle est arrivée et que je m’en occupe plusieurs heures par jour. Comme certains êtres dont la nature est avare, elle est encore au-dessus de sa réputation. »

C’est au Premier Consul, alors en tournée dans les départemens belges, que s’adressaient ces effusions. « J’attendrai votre retour, » poursuivait le directeur, « pour ouvrir le musée des statues. C’est vous, général, qui l’avez rassemblé, c’est à vous d’en faire l’inauguration, et c’est à tout jamais le monument des monumens. »

Bonaparte accepta de présider à l’inauguration, mais il y mit un cachet marqué de simplicité. Revenu depuis peu à Saint-Cloud, il avait passé à Paris la journée du 15 août 1803, la première où l’anniversaire de sa naissance fut solennisé par des fêtes religieuses. Il coucha aux Tuileries, et le lendemain 16, à six heures du matin, en compagnie de Joséphine, qui savait à l’occasion faire violence à son indolence de créole, il se présenta à la porte du Musée Napoléon, comme venait de le baptiser Cambacérès. Denon le promena à travers les nouvelles salles, et, en face de la Vénus, lui offrit une médaille commémorative gravée par Jeuffroy : d’un côté, l’artiste avait