Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/624

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’éphémère royaume d’Etrurie, on décora le Salon Carré des deux immenses tableaux de Véronèse, les Noces de Cana et le Repas chez Lévi, et des Batailles d’Alexandre de Le Brun. « L’administration, » écrivait Dufourny, « a eu pour but, en faisant cette exposition provisoire du grand salon, de montrer à M. le comte de Livourne le Musée dans toute sa magnificence. » A la réflexion, on estima que cet ensemble de grandes toiles se trouvait admirablement à sa place dans le Salon Carré : comme, d’autre part, il était incommode et même dangereux de les déménager (les Noces de Cana étaient venues de Venise en deux morceaux), l’architecte Raymond fut chargé de préparer un jeu de cloisons, qui, à l’époque des Salons traditionnels, masqueraient les tableaux de Véronèse et de Le Brun et pourraient recevoir les œuvres des peintres modernes.

Les autres toiles italiennes avaient leur place définitive dans la grande galerie du bord de l’eau, à la suite des écoles française, allemande, hollandaise et flamande. L’installation traîna quelque peu, à cause de la disette d’argent et du manque de place : dans ce vaste Louvre, l’espace était si chichement mesuré au Musée, qu’on avait dû prendre le fond de la galerie pour y camper les ateliers de restauration. C’est seulement le 26 messidor an IX, pour célébrer l’anniversaire encore officiel du 14 juillet, que la partie de la galerie contenant l’école italienne fut ouverte au public. La première impression fut d’éblouissement : « Quelle galerie, mais quelle galerie ! » s’écriait une Anglaise ; « telle que le monde n’en a jamais vu, comme grandeur et comme décoration !… tout ce que je puis dire, et en vérité tout ce que je pus voir, c’est que chacune de ces divisions générales contient toutes les toiles fameuses et excellentes admirées autrefois dans leurs pays respectifs. » A la réflexion seulement, les délicats se plaignaient, soit que l’entassement des tableaux empêchât de bien jouir de certains d’entre eux, soit que l’éclairage, donné exclusivement par les fenêtres des deux côtés de la galerie, multipliât les faux jours. Mais l’architecte Raymond songeait déjà à remédier à ce dernier défaut en pratiquant des ouvertures dans le plafond ; et quant à l’excessive accumulation des œuvres d’art, la masse des visiteurs était plutôt portée à y trouver un sujet d’admiration.