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celles qui relaient ; elles recevaient de nouvelles distributions : on criblait de trous les plus belles parties de l’architecture. Les corridors, les salles, encombrés d’immondices, ne présentaient plus de tous côtés que des murs dégoûtans de saleté, et d’où l’on aurait dû être chassé par l’air infect qui s’en exhalait. »


Les collections royales comprenaient surtout des tableaux des maîtres italiens de la Renaissance, avec quelques spécimens des écoles flamande et hollandaise. La fermeture des couvens, la spoliation des églises avaient mis à la disposition du gouvernement de nombreuses toiles des peintres du XVIIe siècle. Avec une largeur d’esprit qui leur fait honneur, les membres de la « commission du Muséum » résolurent de réagir contre le préjugé dominant, de le déraciner si possible, en réhabilitant les œuvres nationales ; leur intention, comme l’expliquaient un peu plus tard leurs successeurs, « fut de présenter à l’admiration des étrangers des tableaux de l’école française qui puissent par leur beauté lutter avec succès contre les écoles italienne et flamande… On exposa donc les ouvrages de Le Sueur, de Poussin, de Le Brun ; la sublimité et la sagesse de leurs compositions tirent revenir les Français eux-mêmes, enthousiastes inconsidérés des productions des peintres italiens, sur les beautés des ouvrages de leurs compatriotes… » Mais bientôt l’afflux imprévu des chefs-d’œuvre étrangers vint rompre décidément l’équilibre, en apportant d’ailleurs à l’amour-propre national d’incomparables compensations.

Tout d’abord, à la suite de l’occupation et de l’annexion de la Belgique, on n’hésita point à traiter les églises flamandes ou wallonnes comme les françaises, c’est-à-dire à les dépouiller au profit de la nouvelle collection parisienne : c’est ainsi que les Rubens d’Anvers, que le célèbre tableau d’autel des frères van Eyck à Gand, prirent le chemin du Muséum. Dans le rapport même où, après Thermidor, il flétrissait les ravages du vandalisme terroriste, Grégoire faisait ingénument valoir que les conquêtes belges aideraient à combler des pertes déplorables. Ce fut une protestation à peu près isolée que celle du voltairien révolutionnaire Ginguené, s’obstinant à écrire, sept ans après la translation du tableau de la Mise en croix : « Il serait à désirer,