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invoquait la paix. Cette paix, continuait-il, ne pourrait être vraie et durable, si elle n’était établie sur des bases solides : aussi demandait-il que l’Empereur couronnât « son long et glorieux règne » en faisant adoucir et amender les lois de Mai, d’une manière définitive, au moins dans les points essentiels pour la vitalité de la religion catholique. Guillaume, le 22 décembre, non moins aimablement, non moins courtoisement, répondait à Léon XIII. L’Empereur observait que, grâce aux avances de son gouvernement, les sièges épiscopaux avaient reçu des titulaires ; il réclamait, dans l’intérêt de l’Eglise plus encore que de l’Etat, une avance du Pape, pour qu’enfin les cures pussent être pourvues. Il feignait, ainsi, d’avoir fait les premiers pas ; mais des évêques n’avaient été nommés que parce que le gouvernement avait consenti à faire usage de ses pouvoirs discrétionnaires ; et ce qu’on demandait au Pape, au contraire, au sujet de la collation des cures, c’était une concession de principe, une concession durable. L’assimilation faite par l’Empereur entre ce que la Prusse avait accordé et ce que la Prusse voulait obtenir était plus adroite que légitime. Guillaume ajoutait que lorsque le Pape aurait fait cette avance, le Landtag, alors, pourrait examiner les lois de Mai. Mais avec une netteté très discrète et pourtant excessive, il distinguait, parmi ces lois, celles qui étaient nécessaires, d’une manière permanente, à des relations pacifiques, et celles qui n’étaient « utiles que dans la période de lutte, pour la défense des droits contestés de l’Etat ; » il laissait comprendre que le Landtag pourrait toucher aux secondes, mais semblait admettre que les premières, de par la définition même qu’il leur donnait, étaient intangibles.

Léon XIII avait tout le temps, comme disait en avril le chansonnier du Kladderadatsch. La lettre de l’Empereur était subtile et dense ; pour la bien juger, pour en tirer toutes les conséquences et pour concerter sa propre conduite, Léon XIII attendait que son secrétaire d’Etat Jacobini eût causé avec le ministre Schloezer.


GEORGES GOYAU.