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demandaient l’arrestation d’Herzog. Mais pas plus qu’on ne reculait d’un pas vers l’état de guerre violente, on ne s’avançait d’un pas vers l’état de paix. Le vote par lequel le Reichstag avait aboli la loi sur l’expatriation des prêtres ne fut pas sanctionné par le Conseil fédéral ; le paragraphe par lequel le Landtag permettait aux ministres de rappeler les évêques ne fut pas appliqué ; des pétitions demandaient que l’archevêque Melchers pût rentrer à Cologne, que l’évêque Blum put rentrer à Limburg ; ce fut en vain, Bismarck demeura sourd. Un peu déçus, peut-être, les comités provinciaux du Centre, dans les manifestes qu’ils préparaient en vue des prochaines élections au Landtag, affectèrent certains accens de mécontentement. Windthorst, mieux informé, disait au congrès catholique de Francfort : « Les choses vont moins bien qu’elles n’ont déjà été, mais elles vont mieux, beaucoup mieux, que les libéraux ne le croient. »

Le Centre fut consolidé, en même temps que grossi, par les élections qui, le 20 octobre 1882, renouvelèrent le Landtag ; et ces élections en même temps marquèrent une grande victoire pour les conservateurs : le peuple prussien justifiait ainsi, par son vote, les deux partis qui avaient ensemble élaboré la récente loi religieuse et qui venaient d’applaudir, ensemble, au coup d’éclat par lequel le ministre Gossler, supprimant dans la grande ville de Crefeld les écoles simultanées, y rétablissait les écoles confessionnelles. Cette « coalition cléricale conservatrice » apparaissait aux derniers partisans du Culturkampf comme le suprême péril ; Jolly, l’auteur du Culturkampf badois, du fond de la retraite définitive où l’avait relégué le besoin de paix religieuse, se tourmentait de cette constellation nouvelle qui planait sur la politique berlinoise, et dans les colonnes des Annales Prussiennes s’apitoyait longuement sur les destinées de l’Allemagne. Mais les esprits obstinés qui aspiraient à une continuation de cette lutte devenaient de plus en plus rares. Un des anciens avocats parlementaires du Culturkampf, le libre-conservateur Kardorff, expliquait dans un discours public :


Le Culturkampf était un événement naturel ; contre la tactique originelle du Centre, les plus rigoureuses mesures étaient requises ; maintenant nous avons un pape conciliant, et s’il est indifférent à la prélature italienne qu’une grande partie de nos catholiques tombent dans la sauvagerie, notre gouvernement, lui, ne peut se désintéresser de ce péril. Au surplus, les lois de Mai ont une foule de défauts. Continuer la lutte, ce serait faire les affaires des progressistes, qui ont déjà pactisé avec-le Centre.