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un des obstacles qui empêchaient l’Eglise d’employer leur zèle était désormais écarté, mais l’autre, et le plus grave, subsistait, et c’est pourquoi l’article par lequel l’examen d’Etat cessait d’être une inéluctable exigence n’était pas susceptible, pour l’instant, de recevoir une application utile.

Un familier de Bismarck, Tiedemann, désireux de rassurer les partisans des lois de Mai, leur disait : « L’obligation persiste de soumettre au pouvoir civil les noms des curés ; le droit de révoquer les évêques persiste ; la cour royale pour les affaires ecclésiastiques existe toujours ; ce sont là les points essentiels de notre système de défense ; la loi nouvelle n’y touche point. Peut-on dire, sans l’exagération la plus néfaste, que notre législation ecclésiastique soit mise de côté ? » et cependant beaucoup de nationaux-libéraux se plaignaient, d’une voix très haute, en termes très amers ! A les entendre, le fier vaisseau de l’Etat prussien baissait pavillon devant le Vatican. Ils avaient une formule piquante pour caractériser les attitudes successives de l’Etat : « En 1873, disaient-ils, la Prusse conquérante disait au Vatican : Je prends pour que tu donnes ; en 1880, la Prusse, coquette, lui disait : Je donne si tu donnes ; en 1882, la Prusse, humiliée, en arrive à dire : Je donne pour que tu donnes. » Et ils demandaient si Rome, enfin, allait donner quelque chose, et ce que Rome allait donner.


IX

L’été, puis l’automne de 1882, s’achevèrent en une sorte de stagnation, Bismarck, évidemment, ne cherchait pas de nouvelles occasions de conflit. Herzog, le nouvel évêque de Breslau, avait dans son diocèse quelques « curés d’Etat : » il crut pouvoir exiger leur déménagement, en alléguant que la loi récente abolissait pour l’avenir cette catégorie de prêtres ; la plupart résistèrent ; la presse tonna contre le prélat, mais Bismarck ne prit aucune mesure contre lui. A Sainte-Hedwige, de Berlin, qui relevait du même diocèse, fut affichée, par erreur, bien que certaines tolérances papales l’eussent depuis longtemps abolie, une législation canonique très intransigeante relative aux effets des mariages protestans : cet affichage fit scandale parmi l’évangélisme prussien : on fit campagne contre Herzog ; mais Bismarck, cette fois encore, se tut, et laissa dire les journaux qui