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qu’un accord de principes serait la quadrature du cercle, mais qu’on pourrait toujours arriver à un modus vivendi.

Windthorst, en termes calculés, offrit au chancelier l’hommage de sa « gratitude expectante ; » son langage, aussi, offrait quelque chose d’imprévu ; renouvelant son vœu d’une paix religieuse rapide, il déclarait y aspirer « pour que l’Empire fût plus solidement fondé ; » ce « petit Guelfe » s’intéressait à l’Empire ! Il signifiait à Virchow, ensuite, que protestans croyans et catholiques avaient d’avance partie liée. Mais alors, riposta Virchow, nous faudra-t-il donc, tous, ramper sous la croix ? Nos nuques ne se courbent pas. Et Virchow, parrain du Culturkampf, se retournant vers le chancelier, auteur du Culturkampf, lui reprocha tout d’un coup, avec rage, non de projeter la paix, mais d’avoir déchaîné la guerre. L’heure était émouvante : sous les regards épanouis du Centre, Virchow, bravant Bismarck, lui criait :


J’ai voté les lois de Mai, parce que j’ai cru que M. le chancelier serait plus conséquent qu’il ne l’a été, j’ai cru qu’il affranchirait réellement l’école de l’Église, et qu’il édifierait à nouveau cette dernière, sur la base d’une véritable liberté de conscience. Si j’avais prévu la situation présente, j’aurais dit : Non.


Bismarck alors, merveilleux de souplesse, retrouva, dans ses discours mêmes de 1873, de 1874, de 1875, certaines théories esquissées, sur lesquelles aujourd’hui il n’avait qu’à appuyer pour justifier sa palinodie ; on l’entendit redire que le Culturkampf n’était qu’un épisode transitoire, après tant d’autres, de la lutte séculaire entre les rois et les prêtres ; et puis que le but final des batailles, c’était la paix, et qu’aucune bataille ne pouvait être considérée par lui comme une institution durable, et dont la durée fût utile. D’ailleurs, au cours de cette bataille les nationaux-libéraux l’avaient abandonné, ou bien avaient trop exigé de lui : ainsi, de même que naguère il avait, à certaines heures, rejeté sur l’abandon des conservateurs la nécessité où il était de faire voter les lois antireligieuses, de même, il se préparait à rejeter sur les nationaux-libéraux la nécessité où il se trouverait un jour de retirer ces lois. Il apparaissait de plus en plus comme l’homme dédaigneux des idées pures, et préoccupé surtout d’avoir derrière lui une armée bismarckienne. Puis, subitement, d’un geste plus expressif que gracieux, il ouvrait au Centre les rangs de cette armée : « S’il me faut opter, disait-il, entre l’alliance du Centre et celle des progressistes, je