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manquait, celui de l’abbé Korum : trois fois de suite l’abbé refusa, trois fois de suite Rome insista. Tarnassi, auditeur de nonciature à Munich, parut à Strasbourg, le pressa, l’obligea d’accomplir, sans retard, les formalités canoniques nécessaires pour la consécration épiscopale. L’abbé Korum obéit, et s’en fut à Rome, avec un dernier espoir : de vive voix, peut-être, il saurait persuader à Léon XIII de ne pas persister à faire de lui un évêque. Mais pour la première fois l’éloquence de l’abbé Korum manqua d’efficacité. Léon XIII lui répondit en fixant la date de son sacre.

Il allait donc devenir évêque de Trêves, mais il n’aurait pas la possibilité, une fois là-bas, de nommer un curé, puisque les lois de Mai duraient toujours. C’était absurde, qu’il eût ainsi les mains liées. Schloezer et Jacobini, par la force des choses, furent amenés à parler de ces lois de Mai, et des formalités qu’elles exigeaient des évêques pour la nomination des curés. La Correspondance politique de Vienne, dans un article qui parut être du publiciste bismarckien Constantin Roessler, expliquait, déjà, qu’en dispensant les ecclésiastiques des conditions d’examen prévues par ces lois, l’Etat n’irait pas à Canossa. Mais entre Schloezer et Jacobini les entretiens, bientôt, faillirent dégénérer en brouille ; Schloezer, un instant, menaça de s’en aller : pour vouloir se mieux entendre, on risquait de défaire le résultat obtenu, la nomination même de l’abbé Korum… Rome, prudente, s’empressa de le sacrer ; au soir du 14 août, l’abbé Korum était évêque.

Mais à ce moment même tout semblait remis en question. L’Empereur avait, pour le siège de Trêves, un candidat personnel, le professeur Kraus, de Fribourg : il se plaignit d’avoir été trop peu consulté, accusa ses ministres d’avoir surpris son consentement en faveur de l’abbé Korum. Que n’avaient-ils interrogé sur l’abbé Korum le prévôt Holzer, de Trêves, en qui Guillaume avait confiance ? Et le souverain montrait une lettre du prévôt qui conjurait son roi d’écarter de Trêves cet évêque-là. Guillaume s’échauffait, s’ulcérait, expédiait à Bismarck, à Gossler, des lettres irritées. Bismarck passa quelques mauvaises heures : allait-on le forcer, à la dernière minute, de manquer de parole au Pape et de fermer Trêves à Mgr Korum ? C’eût été, pour longtemps, la pacification reculée, et les catholiques, qui commençaient l’agitation électorale en vue du renouvellement du Reichstag,