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avec joie que les avances papales de février 1880 avaient été expressément retirées ; ils tombaient tous d’accord, pour souhaiter que le Centre réclamât sans trêve, en faveur de l’Eglise, le rétablissement des anciennes garanties constitutionnelles : cette stabilité de leurs protestations, cette inflexibilité de leurs desseins, était connue de Léon XIII et devinée de Bismarck. Il n’y avait pas lieu, pour Rome, de s’en plaindre, puisqu’on alléguant les sentimens des évêques, elle aurait ainsi l’occasion de vendre d’autant plus cher au chancelier les concessions mêmes que, malgré eux peut-être, elle croirait devoir envisager comme possibles. À mesure que se resserrerait le dialogue entre Bismarck et Léon XIII, la voix des évêques d’Allemagne, assourdie mais jamais silencieuse, aiderait du moins Léon XIII, en paraissant parfois le gêner, à ne pas accorder à Bismarck plus d’avantages qu’il n’avait l’intention de lui en accorder.

L’une des questions dont Schloezer eut tout de suite à causer, concernait le diocèse de Trêves. Ce vaste diocèse, si cruellement ravagé par le Culturkampf, demeurait sans hiérarchie : faute d’entente sur le nom du vicaire capitulaire, la loi de 1880 y restait inappliquée. Jacobini, à deux reprises, avait insisté auprès de Bismarck pour que cette situation cessât, le chancelier ne répondait pas, tergiversait. Mais une troisième lettre du cardinal avait plus de succès : il demandait qu’à Trêves un évêque fût nommé, et il proposait un nom. Pour la première fois depuis les lois de Mai, Rome et Berlin s’essayaient à faire un évêque.

Le prêtre auquel songeait Léon XIII était l’abbé Félix Korum : d’origine alsacienne, il passait, jeune encore, pour un des grands orateurs sacrés de l’époque, et savait, avec une souveraine aisance, asservir les deux langues, la française et l’allemande, aux élans de son éloquence. Le maréchal de Manteuffel, gouverneur d’Alsace-Lorraine, n’avait pas voulu, pour des motifs politiques, que l’abbé Korum fut coadjuteur en Alsace-Lorraine, mais il l’appréciait fort, et se mit en quête, pour lui, d’autres destinées ; on pourrait presque dire que pour le siège de Trêves la présentation de l’abbé Korum à Bismarck fut faite, tout à la fois, par le maréchal de Manteuffel et par le Vatican. Bismarck n’y fit pas d’objections ; il envoya Puttkamer et dossier jusqu’à Ems, pour obtenir le consentement de l’Empereur. Le souverain, ce jour-là, s’inquiétait de la santé de l’Impératrice : il donna son assentiment, rapide et distrait. Mais un dernier oui