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de Grande Allemagne et de Petite Allemagne allaient derechef se livrer un duel, sous le regard des députés prussiens. Il s’agissait de la liberté des messes et l’on arrivait à philosopher sur l’histoire allemande. L’ordre du jour proposé par les conservateurs réclamait de l’Etat le rétablissement d’un ministère paroissial régulier, mais repoussait la motion Windthorst, qui risquait, disaient-ils, de compromettre la paix au lieu de l’accélérer. Ils furent seuls à voter pour leur texte ; le Centre fut seul à voter pour le texte de Windthorst, et le débat fut clos, sans conclusion. Windthorst se disait attristé, abattu, atterré par l’attitude des conservateurs et de Puttkamer ; et puis il rebondissait, et, le 16 février, il se levait de nouveau, pour demander à l’Etat d’en finir avec sa politique de confiscations ; ce jour-là, on le laissa parler, lui et ses collègues, sans leur répondre ; et quelques conservateurs seulement, au vote, appuyèrent la motion, qui naturellement succomba.

La presse hostile au Centre riait de ces échecs successifs. « On voit M. Windthorst rôder de bonne heure au palais, chantonnait un satiriste ; son œil curieux demande en haut : Rien à faire ? Car je ferais volontiers une affaire, à la vieille et réelle façon ; pourtant on paie d’avance, même j’ai des prix fixes. » Une caricature le représentait en don Quichotte, chevauchant avec sa lance contre le moulin des lois de Mai ; une autre le transformait en chat, à l’affût devant une souricière où était écrit le mot Culturkampf.

Bismarck s’effaçait de tous ces débats ; mécontent de tous les partis, il les laissait s’arranger ou se gourmer entre eux. Le Centre méritait d’être mis en pénitence, parce qu’il avait, en juin, voté contre la loi religieuse, et parce qu’il continuait l’agitation contre les lois de Mai : « Il n’y a pour l’instant ni paix religieuse, ni guerre religieuse, disaient les Grenzboten : le chancelier attend. » Mais les nationaux-libéraux avaient cette tare d’être plutôt des juristes, des formalistes, captifs d’abstractions, que des hommes politiques soucieux des réalités ; ils persistaient aussi à traîner avec eux une gauche avancée, une gauche plus dangereuse encore que la vraie gauche « progressiste, » à remorquer des gens qui, « n’aimant pas les cuisiniers du Progrès, aimaient pourtant leur cuisine, » et qui voulaient la servir au peuple allemand, en la cuisant eux-mêmes. Quant aux conservateurs, auxquels Bismarck en voulait encore de sept ans de brouille, il les voyait élaborer, de plus en plus