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voyages à la Potemkine, qui trompent l’œil des souverains ; Guillaume et le prince Frédéric avaient vu clair, comme avait vu clair, toujours, l’impératrice Augusta : au Nord comme au Sud, en Prusse rhénane comme en Alsace, le « Rhin allemand » baignait des terres de souffrances.


II

Dans le Landtag une majorité existait, très mêlée, très nuancée, qui, en bloc, parce qu’elle voulait une Allemagne chrétienne, ne voulait plus du Culturkampf. Mais le Culturkampf se prolongeait, parce que, dans cette majorité, il y avait une fraction, les conservateurs, qui ne voulait rétablir la paix religieuse qu’avec l’agrément du gouvernement et conformément aux initiatives gouvernementales, et une autre fraction, le Centre, qui derrière ces initiatives inclinait à flairer des pièges, et qui voulait, non point aider le gouvernement à faire la paix, mais la lui imposer. Ainsi cette majorité, qu’unissait un commun désir de pacification, se laissait tout de suite désunir et défaire par certaines divergences de tactique : on avait failli voir, en juin, le projet de loi gouvernemental échouer, parce que le Centre lui avait refusé ses votes ; et l’on voyait d’autre part les motions du Centre échouer, parce que les conservateurs n’acceptaient pas que le gouvernement fût l’objet d’un ultimatum.

Mais ces motions du Centre, régulièrement repoussées, étaient représentées par Windthorst, avec une périodicité tenace : une caricature, le grandissant, lui prêtait les traits et l’allure d’un Démosthène écrasant de son geste un petit homme coiffé d’un casque à pointe, Bismarck. Avant de harceler le ministère, il avait, à Vienne, consulté Jacobini[1] : le cardinal, recevant Windthorst, lui marquait son approbation pour l’attitude du Centre, et puis s’en allait à Rome occuper près du Pape le poste de secrétaire d’État. Alors Windthorst, rentrant à Berlin, s’arrangea, durant l’hiver, pour que, chaque mois à peu près, se déroulât au Landtag un grand débat religieux ; il y en eut un dans les journées des i) et 10 décembre 1880, à propos du budget des Cultes : un second, les 26 et 27 janvier 1881, au sujet d’une motion de Windthorst, qui réclamait pour tout prêtre,

  1. Dans les Stimmen aus Maria Laach, 1912, I, p. 361 et suiv., le P. Pfülf a publié de fort intéressans documens sur ces entretiens entre Windthorst et Jacobini.