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29 octobre. — A 11 heures du matin, les troupes de notre division, après être passées une dernière fois devant leur général, profondément ému et bouleversé, sont conduites dans l’ordre le plus parfait et un silence morue, sur le plateau d’Amanvillers où elles sont remises aux autorités prussiennes. Il est facile de penser combien la séparation finale, entre des chefs estimés et aimés et d’aussi braves soldats, fut cruelle et déchirante pour tous !

30 octobre. — Nous passons cette journée du dimanche 30 octobre de la façon la plus pénible, jusque dans les moindres détails qui la marquèrent.

Le général Jarras avait, comme son chef, quitté Metz dès le matin ; son état-major général n’était plus en fonctions. Il nous fallut nous enquérir directement, auprès des autorités allemandes, de l’heure du départ du convoi qui nous emmènerait en Allemagne, ainsi que des divers détails concernant notre mise en route.

Nous avions hâte de nous soustraire au spectacle navrant de& campagnes désolées que nous allions quitter et des ruines involontairement amoncelées autour de nous !

Nous parlons enfin, pour accomplir, sans interruption jusqu’à Hambourg-sur-l’Elbe, notre long voyage de plusieurs jours et plusieurs nuits consécutifs.

Au passage à Nancy, nous y sommes grossièrement insultés par une lâche populace qui nous jette de la boue au visage parce que nous sommes des vaincus !

C’était, avant de quitter notre chère France, l’ultime sacrifiée et la dernière douleur qui nous étaient imposés dans notre infortune si grande et si peu méritée !


Général E. GARCIN.