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de camp le capitaine de Saint-Preux tombaient mortellement frappés tous deux. Cette mort brillante sur le champ de bataille semblait avoir été en quelque sorte pressentie par le valeureux commandant de la 1re brigade. Il répondait en effet quelques instans auparavant, au capitaine Garcin, envoyé par le général de Cissey, pour le presser d’arriver sur la ligne de feu avec ses régimens : « J’accours ; on va toujours vite quand on va à la mort ! » Son aide de camp, le capitaine de Saint-Preux, camarade de jeunesse du capitaine Garcin, lui avait, lui aussi, déjà manifesté peu auparavant, dans une rencontre amicale, les plus noirs pressentimens ! Tous les deux recevaient simultanément la palme du martyre, en offrant ensemble leur vie pour la Patrie ! Singulier phénomène que les gens de guerre constatent parfois, tout en allant au sacrifice, avec insouciance, hardiment, sans peur ni reproche !

Mais reprenons la suite du combat.

Le général de Cissey et son état-major, l’épée à la main, en tête de la division, poussaient l’adversaire, la baïonnette dans les reins et achevaient sa déroute complète ; nos drapeaux victorieux étaient plantés sur les positions ennemies ; le drapeau du 16e poméranien, ainsi que divers trophées, tombaient entre nos mains.

Pour tâcher de sauver leur infanterie, en pleine déroute vers Mars-la-Tour, les Allemands lancèrent sur la division de Cissey leurs escadrons disponibles, qui, avec beaucoup de bravoure, exécutèrent sur nous la charge de la mort. Notre infanterie, pleine de sang-froid, formant rapidement des carrés, laisse arriver cette cavalerie, la fusille, de face, sur les lianes et à revers : elle l’anéantit si complètement, que pas un seul des cavaliers engagés n’échappe au désastre ; tous sont tués, blessés ou faits prisonniers.

Nous étions entièrement maîtres du champ de bataille.

Ah ! il eut fallu alors faire occuper tout de suite Mars-la-Tour, avec tout le 4e corps et une réserve ; nous aurions ainsi intercepté la route de Paris et empêché les Allemands de garder ce point important en se renforçant pendant la nuit.

Mais le haut commandement n’a pas dirigé cette bataille du 16.

Nous n’avons pas vu le général en chef ; pas un officier de son état-major n’est venu voir ce qui se passait de notre côté,