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une connaissance approfondie de l’organisation militaire de l’Allemagne.

Mais le général Jarras n’avait pas la confiance du maréchal Bazaine, qui le tint autant que possible à l’écart, et ne le mit jamais au courant de ses projets ni de ses combinaisons.

Ce manque de liaison, entre le généralissime et son chef d’état-major, devait être des plus préjudiciables au cours de la campagne, pour le bon fonctionnement de l’organe essentiel qu’est un état-major d’armée.

Au lieu d’être employés de façon incessante au service actif, le seul qui permette au chef suprême d’être constamment renseigné, de pouvoir ordonner, et surtout de taire assurer l’exécution de ses ordres, ces officiers d’élite furent particulièrement absorbés par un travail de bureau ; en fait, la plupart du temps, ils restaient immobilisés, inutilisés, alors qu’ils auraient pu si bien faire ! En station, dans les marches et surtout au combat, il aurait fallu les employer sans cesse, au lieu de les garder inertes en paralysant leur bonne volonté et leur ardeur. Dans notre modeste état-major divisionnaire, nous étions constamment à cheval, et notre chef, qui savait se servir de nous, voyait par nos yeux quand il lui était impossible de voir par lui-même. Quand il n’y a pas utilisation rationnelle d’un état-major, le chef qui est appelé à se faire seconder par lui, lut-il un homme très supérieur, se place inévitablement dans des conditions d’infériorité certaine vis-à-vis de son adversaire, car il se prive gratuitement de son organe de liaison et d’investigation auprès de ses troupes, il reste ignorant de bien des choses, qui peuvent lui être utiles pour le travail de la pensée, celui qui amène les résolutions !

La concentration sous Metz était réalisée le 13 août et l’armée se disposait à passer le 14 août sur la rive gauche de la Moselle, en vue d’une marche générale de repli dans la direction de Verdun.

De notre côté, au 4e corps, la division Lorencez (3e) tenait la tête de la marche vers les ponts de la Moselle ; la division de Cissey, 1re, venait ensuite ; la division Grenier, 2e, attendait sur le plateau, à proximité de Mey, son tour d’entrer dans la colonne. :

Tout à coup, le canon tonne violemment, la division Grenier, qui avait à sa droite les troupes du corps Lebœuf (3e corps), est très fortement attaquée.

La division de Cissey, déjà à proximité des ponts de l’île