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Lorsqu’on vit la guerre inévitable, l’élaboration du plan de campagne fut très précipitée, alors qu’on aurait dû l’assurer longtemps auparavant ; elle se traduisit par une concentration défectueuse, par un dispositif en rideau étendu, de Thionville à gauche jusqu’à Strasbourg-Belfort à droite.

Cette ligne de front, faible sur tous les points, était sans cohésion, et surtout sans moyens d’action efficaces, pour prendre, à une heure donnée, l’offensive hardie et vigoureuse qui eût été conforme à nos traditions françaises !

Dans l’entourage de l’Empereur, des influences diverses et très multipliées exercèrent, de façon variable, une pression plus ou moins heureuse sur l’esprit du souverain.

Pourquoi l’Empereur, qui se savait malade, et dans l’impossibilité de conduire personnellement les opérations, pourquoi l’Empereur n’avait-il pas fait choix, à l’avance, de l’homme de grand caractère et de réel savoir, auquel il aurait confié, de façon absolue, la direction des destinées militaires de la France ?

Nous nous trouvions en présence d’un adversaire redoutable ! Cet ennemi se préparait de longue main à la guerre qu’il déchaîna sciemment, et qu’il voulait pour l’accomplissement de ses desseins ultérieurs ; on le savait pertinemment ; de nombreux documens avaient été réunis à cette fin ; il était facile d’être fixé en haut lieu sur les éventualités les plus graves, et absolument inévitables dans un délai de temps quelconque.

C’était donc avant, et non pas à l’heure où la guerre éclatait, qu’aurait dû être élaboré notre plan de campagne. Si le chef suprême des armées françaises choisi par l’Empereur, et désigné par lui en temps utile, avait connu la mission qui lui était réservée, il se serait certainement préparé à la remplir le cas échéant. Alors, dès le début de la guerre, notre concentration aurait pu, en restant logique, être resserrée au lieu d’être éparpillée ; on aurait été maîtres de l’heure et par conséquent de l’offensive ; on aurait pu la prendre incontinent, avec tout ce que nous avions de disponible sous les drapeaux, pour agir en coup de foudre, de manière à troubler la mobilisation et la concentration des Allemands, détraquer par un premier choc audacieux leur savant mécanisme du temps de paix. Nos magasins, dans les places frontières, étaient, il est vrai, insuffisamment approvisionnés quand éclata la guerre, mais, même en ayant égard à cette condition défavorable, le chef suprême désigné par