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Par les œuvres seules, à défaut de documens, ils nous montrent quelle année bénie et féconde est la dix-septième année de Mozart, l’année du « grand effort créateur. « Un peu plus loin, rien que ce titre d’un autre chapitre : « la vingtième année, » quand c’est de Mozart qu’il s’agit, n’est-il pas une promesse et comme un programme de fête ! Nous parlions de régression tout à l’heure. Une fois, une seule, sur sa route enchantée, on dirait que Mozart s’arrête, s’il ne recule. Par un de ces reviremens qui lui sont familiers, il passe et peut-être il descend, du grand style à la « galanterie, » ainsi qu’on appelait de son temps le genre, ou l’idéal, — car après tout c’en était un encore, — de la musique seulement agréable et légère. C’est aux environs de sa dix-huitième année que le déjà savant et vigoureux artiste se transforme, — pour un temps, — en un poète assurément délicieux encore, mais « plus préoccupé d’amuser et de ravir ses auditeurs que de les émouvoir en exposant devant eux les passions de son propre cœur. »

Quoi qu’il en soit, et si l’on ne craignait de jouer sur les mots, on appellerait volontiers cette nouvelle biographie critique une histoire. — très neuve en effet à cet égard, — des variations du jeune Mozart. Mais sous ces variations, à travers les influences diverses, il fallait maintenir, sauvegarder l’unité et la personnalité du maître ; il importait de nous faire comprendre, sentir, comment et pourquoi Mozart et non point Chrétien Bach, ou Haydn, ou Schobert a été le vrai, l’unique Mozart. C’est à quoi les auteurs ont parfaitement réussi. Non pas qu’ils aient tenté nulle part, isolément, la définition ou le portrait du génie de Mozart. Mais plutôt ils en ont, un peu partout, à tout propos, et sans jamais les rassembler en masse, noté les élémens ou les traits. Dès le début, rappelant telle ou telle anecdote, ils ont bien montré, dans le caractère, dans la vie et dans l’œuvre de « l’enfant prodige, » l’alliance jusque-là sans exemple et qui depuis ne s’est pas renouvelée, du naturel et du merveilleux. Tout est miracle chez le petit Mozart, mais avec un air simple, familier, je dirais presque ingénu. Plus tard, en étudiant la formation ou la composition du génie de Mozart, les deux historiens-critiques ont pris soin d’y signaler, non seulement à côté, mais au-dessus de l’apport extérieur, l’élément personnel, enfin le don de Dieu, plus fort, plus sacré que toutes les influences humaines. Ainsi Mozart a reçu beaucoup d’un Chrétien Bach. Mais à tout ce qu’il lui doit il ajouta « le secret d’une beauté plus parfaite » et s’il a parlé quelquefois la même langue, il s’en est du moins servi pour « traduire des sentimens d’un degré plus haut. » Est-ce à l’œuvre d’un Michel Haydn que nous comparerons l’œuvre de Mozart ? Il