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enchantement, leur propre voix plus pure et leurs concerts plus harmonieux. Dans l’œuvre du jeune Wolfgang, l’apport italien ne fut pas le moins abondant. Les deux biographes-critiques en ont dressé le bilan après chaque séjour de l’enfant au-delà des Alpes. Avec tous les documens, toutes les observations qu’ils ont réunies, on composerait un volume à la fois solide et charmant sur l’italianisme de Mozart. Une place d’honneur y serait faite à l’enseignement que Mozart, à Bologne, en 1770, reçut du célèbre Père Martini, « cet homme admirable, ce représentant parfait du génie de sa race et le dernier héritier de ce beau style italien qui naguère avait créé les chefs-d’œuvre des Frescobaldi et des Corelli, et de Haendel même. En se nourrissant de ses leçons, — dont bien d’autres, avant lui, avaient profité, mais personne aussi pleinement ni avec autant de passion, — Mozart s’est trouvé prendre contact avec ce que l’Italie avait à lui donner de plus précieux et de plus sacré. Et si, plus tard, son œuvre va se distinguer de celle de ses plus grands rivaux par un caractère de beauté plus pure et plus haute, peut-être le devra-t-elle, en grande partie, à la chance qui lui aura permis de consacrer ces trois mois de sa jeunesse à recueillir l’héritage des vieux maîtres italiens. »

Italiam ! Italiam ! Un siècle après Mozart, un autre, un tout autre grand musicien d’Allemagne devait aussi jeter ce cri de désir et d’amour que, depuis Virgile, ont proféré tant de lèvres humaines. Richard Wagner lui-même ne rêva-t-il pas je ne sais quelle alliance entre son génie et le génie latin ? Dans une mémorable lettre adressée à Arrigo Boito, il exprima l’espoir que son Lohengrin, descendant alors en Italie, pourrait être le messager et comme le héraut de cette union mystérieuse. Mais c’est à Mozart, au seul Mozart, qu’avait été réservée la faveur de l’accomplir. Pour nul autre-autant que pour le mélodieux enfant, l’Italie ne se montra bienfaisante et généreuse. L’amour dont elle l’aima n’eut rien de jaloux ni de sévère. Elle ne prétendit point régner seule en son cœur ; elle accepta le partage avec sa patrie. Et même, par un contraste, sinon par une contradiction piquante, l’Italie fut un jour témoin de l’évolution ou de la révolution tout allemande qui vint, parmi tant d’autres, changer l’âme toujours changeante du jeune Mozart. L’ouvrage, abondant en surprises, que nous étudions, n’offre pas de plus curieux épisode, ni jusqu’ici de moins connu. C’était à Milan pendant l’hiver de 1772-1773. Mozart avait dix-sept ans. Hôte de l’Italie pour la troisième et dernière fois, il achevait la composition et préparait la représentation de l’opéra qui lui avait été commandé, Lucio Silla. L’ouvrage devait « passer » le 26 décembre