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esprit, ou cette âme, pour le père d’abord et pour le fils après lui, selon lui, fut toujours l’expression de la sensibilité, la traduction par la musique, par tous les élémens de la musique, de tous les modes, de toutes les nuances des émotions humaines. Les preuves abondent de l’estime où le médiocre musicien qu’était Léopold Mozart tenait le pouvoir expressif du langage sonore. Et quant au génie de Wolfgang, on en pourrait hasarder, entre bien d’autres, cette formule ou cette définition : la rencontre et l’alliance miraculeuse, unique même, du sentiment pur avec la pure beauté.

Le jeune Mozart, qui ne nous aima guère, nous Français, aurait eu, ne fût-ce que par reconnaissance, des raisons de ne point nous haïr. Il nous doit quelque chose de lui-même et nous ignorions qu’il fût autant notre obligé. Déjà son premier voyage à Paris (1763-1764) ne lui fut pas inutile. Il avait alors huit ans et ce n’est pas communément l’âge des expériences profitables. Mais les années d’apprentissage d’un Mozart ressemblent à des années de maîtrise et l’on ne saurait étudier cet enfant, puis cet adolescent merveilleux, qu’en dehors, au-dessus de la condition et de la loi commune. Il est certain qu’entre novembre 1763 et avril 1764, Wolfgang « s’est profondément imprégné de musique française et cette musique était — alors — « essentiellement simple et claire, la mieux faite du monde pour s’imposer à un cœur d’enfant. » Le petit garçon ne manqua pas de connaître à Paris l’œuvre de Rameau. Il ne fut pas non plus sans entendre, à la Comédie-Italienne, les pièces à ariettes de Danican Philidor et peut-être, à Versailles, certain pot-pourri de Favart, Bastien et Bastienne, dont Mozart, en 1768, reprendra le texte comme livret de son premier opéra-comique allemand. A travers les formes ou les formules de l’époque, l’esprit même de notre art se faisait sentir et révélait à l’enfant étranger, pour toujours, cet « idéal de précision expressive » où l’on doit reconnaître, avec M. de Wyzewa, l’un des signes éminens du goût français.

Que savions-nous jusqu’ici d’un certain Schobert ? A peine son nom. M. de Wyzewa nous apprend que ce claveciniste du prince de Conti fut, en dépit de sa naissance et de son éducation étrangère (il était Silésien), l’un de nos plus grands musiciens d’alors, oui l’un des plus nôtres, et le premier vrai maître de Mozart. On ignore presque tout de sa vie. Il mourut, très jeune (en 1767), empoisonné par des champignons, ainsi que sa femme et l’un de ses enfans. Quant à sa musique, en particulier ses sonates, il suffit de l’étudier pour y trouver, avec autant de surprise que de certitude, l’une des origines ou des sources de Mozart. Cela suffit, mais encore le fallait-il faire. A ceux qui