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de suite leur liberté. Les tribunaux ne pouvaient guère faire autrement alors que de céder à une incompatibilité établie par cette résistance ou, si les intéressés avaient essayé de vivre de nouveau ensemble, par une nouvelle désertion du foyer commun. C’est ce qui parait bien s’être produit dans le cas de Samuel Robert. Lieutenant particulier dans l’élection de Saintes, Samuel Robert avait été marié en 1639 par le ministre Baduel à Madeleine Mertat. La bonne intelligence des époux fut troublée six ans après et, comme nous n’avons, pour nous renseigner sur l’origine de ce désaccord, que les articulations du mari qui les a consignées dans son journal, force nous est bien de nous en rapporter en grande partie à lui, d’en attribuer la responsabilité à Madeleine que son conjoint nous présente comme une autre Xantippe. En tout cas, celui-ci n’aurait pas eu la patience de Socrate, car il reconnaît que, poussé à bout par les torts graves et l’humeur acariâtre de sa compagne, il se laissa aller à lui donner trois ou quatre soufflets. Madeleine n’était probablement pas habituée à ces vivacités, car son mari ne se les eut pas plutôt permises qu’elle quitta la maison et se retira chez le ministre Rossel dont la servante Sarah lui offrit la moitié de son lit. Ramenée par son époux au domicile conjugal, elle le quittait le lendemain à l’insu de tous les gens de la maison et se réfugiait cette fois au couvent des religieuses de Notre-Dame de Saint-Vivien à Saintes. Samuel Robert. s’y rendit et eut avec la fugitive, à travers la grille, une conversation où il ne négligea rien, pour la décider à reprendre la vie commune, lui prenant la main, la sommant de son devoir, lui promettant l’oubli du passé. Madeleine s’y refusa obstinément et se déclara résolue à changer de religion et à mourir dans le cloître qui l’avait accueillie. Vainement Samuel Robert combat cette résolution en disant qu’elle est contraire aux lois divine et humaine, qu’elle n’a pas été prise librement, qu’elle est le résultat d’une captation. Il obtient pourtant enfin que la contumace promette, une fois son abjuration faite entre les mains de l’évêque de Saintes, de retourner au foyer conjugal. Il ne peut plus se dissimuler qu’il y a là autre chose qu’un mauvais caractère, que l’inégalité d’humeur est venue surtout de la contrariété entre sa religion à lui, celle que Madeleine professait encore elle-même extérieurement et celle à laquelle elle est attachée par sa foi intime. Catholique ou protestante, il ne veut pas perdre une ménagère,