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avoue que c’est à la dot fort honnête et à la collaboration de sa bru qu’il doit d’avoir développé ses affaires et d’être parvenu à l’aisance. Il arrivait aussi en pays coutumier, en Nivernais, par exemple, que le gendre et la bru vinssent vivre avec leurs parens et beaux-parens et formassent avec eux une communauté taisible, mais ces parconniers étaient copropriétaires en pleine propriété.

Bien que le droit coutumier ait eu recours, aussi bien que le droit écrit, pour empêcher la femme de s’engager, d’intercéder, comme on disait, au profil des tiers et surtout de son mari considéré à cet égard comme le plus dangereux des tiers, à la législation des Césars, l’application du sénatus-consulte velléien et de l’authentique Si qua millier doit surtout être considérée comme une garantie de l’inaliénabilité dotale et c’est dans la région de la séparation de biens que cet emprunt au Corpus juris a eu le plus de force et de durée, puisque cette incapacité a résisté et survécu à l’édit d’août 160¬ qui l’avait abolie. Si elle a été une entrave à la sécurité et au développement des affaires, nous devons y voir uniquement ici une précaution contre l’esprit de sacrifice de la femme, une mesure bien en harmonie avec toutes celles qui, dans les deux domaines juridiques de notre pays, étaient inspirées par une grande sollicitude pour une fragilité souvent imputable aux entraînemens du cœur.

Le régime dotal connaissait, comme le régime de communauté, les gains de survie. L’augment de dot y correspondait au douaire. Pour se l’assurer au prédécès du mari, l’intéressée pouvait, du vivant de celui-ci, prendre des mesures conservatoires. Si le mari était fortement endetté, si ses biens étaient décrétés et discutés, si, en conséquence, elle demandait à être colloquée tant pour son augment que pour ses deniers dotaux, elle ne pouvait, à la vérité, obtenir une collocation immédiate pour son augment du vivant de son mari, mais elle avait le droit de faire condamner les créanciers postérieurs à son contrat de mariage à fournir caution pour le rétablissement éventuel de l’augment.

Sous le nom de bagues et joyaux, le droit écrit accordait à la veuve à peu près le même privilège que les coutumes lui attribuaient sous le nom de préciput. Les bagues et joyaux ne consistaient pas seulement dans des meubles en nature, ils comprenaient aussi le dixième ou le vingtième de la dot. Tantôt ils