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pas le perdre de vue. Tous ses actes, toutes ses démarches devaient être surveillés, car on était fondé à le soupçonner d’avoir suscité des troubles à Stockholm. Nolcken avait été l’ami du feu Roi. Par égard pour sa mémoire, il essaya de défendre Armfeldt. Mais son plaidoyer resta sans effet. D’autres voix étouffèrent la sienne : celle notamment du graveur Piranesi dont jadis un caprice de Gustave III avait fait l’agent consulaire de Suède dans les Etats romains. Lié avec Reuterholm, l’illustre artiste s’était fougueusement associé à sa haine contre Armfeldt. On le verra bientôt se répandre en ruses abominables pour la servir, multiplier les guets-apens contre le voyageur, lui dérober ses papiers et ne pas craindre de mettre des assassins à ses trousses. Espionné à son insu, durant son séjour à Vienne, Armfeldt, en arrivant à Rome, le 19 mars 1793, allait être l’objet d’une surveillance plus rigoureuse, non seulement de la part de Piranesi, mais aussi de la part de l’entourage de la princesse Sophie-AIbertine que son excursion en Italie venait d’amener dans la ville pontificale. Il devait y rester avec elle et autant qu’elle. Il irait ensuite à Florence et à Gênes pour y présenter au grand-duc de Toscane et au Doge ses lettres de créance, et se rendrait ensuite à Naples. Il avait choisi la capitale des Etats des Deux-Siciles comme lieu de sa résidence parce que la princesse Mentschikoff lui avait promis de s’y fixer.


ERNEST DAUDET.