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… « Au retour de mes voyages, écrit-il, je fus placé à la Cour en qualité de menin du prince royal : j’eus l’honneur d’être un de ceux qui le reçurent les premiers des mains des femmes. Le Roi, peu de temps après, me fit son premier gentilhomme de la Chambre, en me conservant ma charge auprès de son fils. Mais, la guerre qui survint ne me permit pas de rester inutile ; je préférai la gloire des armes au faste oisif de mes places et je marchai avec mon régiment aux frontières de la Finlande. Les événemens d’une guerre meurtrière entre deux nations me furent favorables ; j’eus le bonheur de mériter l’estime des ennemis et la confiance de mes soldats. J’obtins le commandement en chef d’une division de l’armée. Là, je versai mon sang pour mon Roi et pour mon pays ; je reçus une grave blessure dont les suites m’accompagneront au tombeau et j’étais dans l’impuissance de garder le commandement lorsque se firent les premières ouvertures de la paix. Le Roi me choisit pour la traiter et, malgré mon état, ne consultant que mon zèle, je fis un travail au-dessus de mes forces et une paix au-dessus de mes espérances. Gustave ne s’en tint pas là et sentant qu’une alliance avec la plus grande souveraine de la terre, par sa puissance comme par son génie, assurerait la tranquillité de ses Etats, réunirait tous les intérêts politiques et particuliers, il songea à la conclure et me fit l’honneur de me nommer l’un des commissaires de cette grande affaire. L’alliance fut faite : Gustave, rassuré du côté du dehors, tourna, dès cet instant, toutes ses pensées vers le bonheur de ses sujets et nous nous occupâmes, avec un espoir non équivoque, à rétablir les finances et à remédier aux désordres de l’administration. »

Malgré le caractère apologétique de ce langage, il y a lieu de reconnaître que tout y est vérité. A l’honneur d’avoir vaillamment combattu en Finlande, Armfeldt joignit celui de négocier la paix de Véréla et l’alliance de la Suède avec la Russie qui en furent la conséquence. Mais, en 1785, trois ans après ses débuts à la cour de Suède, il ne prévoyait pas les mémorables événemens que nous venons de rappeler. A l’heure où on l’a vu entrer en scène, il était uniquement occupé des préparatifs de son mariage.

Fixées au premier jour du mois d’août, les fêtes par lesquelles Gustave III voulait célébrer cet événement s’annonçaient comme devant être encore plus brillantes que celles dont il avait