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à nous dire, — si, dis-je, les volumes qui suivront sont écrits dans la note de ces dernières pages, nous aurons enfin le Chateaubriand politique que nous attendions depuis si longtemps, et nous pourrons alors, dans un article d’ensemble, essayer de reprendre à notre tour un très beau sujet que l’auteur des Lundis jadis n’a même pas effleuré.


III

Je viens de faire allusion à Sainte-Beuve. Il est difficile de ne pas songer à lui et aux deux volumes qu’il a consacrés au « Sachem du romantisme, » quand on s’apprête à parler du Chateaubriand de M. Jules Le maître[1]. Les deux ouvrages, en effet, ont entre eux bien des analogies : ils ont eu tous deux pour origine des conférences publiques ; leurs auteurs respectifs se ressemblent par divers aspects de leur œuvre et par plus d’un trait de leur tempérament moral et littéraire ; enfin, tous deux n’ont pas été précisément conçus « dans une pensée d’extrême bienveillance » pour le grand écrivain qu’ils étudiaient. On pourrait poursuivre le parallèle…

On retrouvera, — est-il besoin de le dire ? — dans le livre de M. Jules Lemaître les qualités de grâce, de finesse légère, de souple nonchalance, de souriante malice qui ont fait sa juste, réputation. Le dirai-je pourtant ? Il me semble que l’auteur des Impressions de théâtre a écrit des livres qui l’expriment plus complètement, qui mettent plus heureusement en lumière les dons si rares de son prestigieux talent, et qui remplissent aussi plus entièrement leur objet. Si quelqu’un par exemple voulait sur un seul ouvrage juger M. Jules Lemaître, bien plutôt que celle de ce Chateaubriand, je lui conseillerais la lecture du sixième volume des Contemporains, celui qui contient les études sur Veuillot et sur Lamartine, et les délicieuses Figurines. Et, d’autre part, à ceux qui voudraient apprendre à bien connaître Chateaubriand, tout en limitant leurs lectures, bien plutôt que le livre de M. Lemaître, je conseillerais l’article divinateur qu’Eugène-Melchior de Vogüé, ici même, a consacré, il y a vingt ans, à l’auteur du Génie du Christianisme, ou la belle étude, si complète et si lucide, de M. Faguet dans son

  1. Chateaubriand, par M. Jules Lemaître, 1 vol. in-16 ; Calmann-Lévy.