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27 juillet 1817. C’est donc près de cinquante années de la vie de Chateaubriand qu’il embrasse ; et l’on pourrait, à l’aide de ce premier volume, esquisser la biographie et la psychologie du grand écrivain durant toute cette importante période. Je résiste à la tentation : la personnalité de Chateaubriand n’est pas, selon moi, de celles que l’on puisse morceler sans inconvénient ; pour en apprécier avec équité les divers aspects, il faut d’abord en bien voir l’ensemble ; et c’est ce que l’on ne pourra faire sérieusement, je veux dire avec une suffisante précision, que lorsque la Correspondance générale sera à peu près complètement exhumée et publiée. D’ici là, tout jugement de fond sur le caractère et sur la destinée de Chateaubriand aura quelque chose de vague, d’approximatif et de provisoire. S’il est vrai, comme je le crois, et comme Brunetière le déclarait déjà, voici plus de quinze ans, que « le jugement de la postérité sur Chateaubriand est encore à prononcer, » aucun travail ne contribuera plus à la lente formation de ce jugement que la publication de sa Correspondance.


II

Tel doit être aussi, j’imagine, l’avis de AI. Albert Cassagne, l’auteur d’un livre curieux dont le titre[1], évidemment inspiré d’un roman de Mme Tinayre, la Vie amoureuse de François Barbazanges, a peut-être le tort, l’heureux tort de promettre moins qu’il ne tient. Car, s’il est bien question surtout de « la vie politique de François de Chateaubriand » dans ce gros volume, il est question de beaucoup d’autres choses qui n’ont avec la vie politique de René qu’un rapport quelquefois lointain. Même, des critiques superficiels, observant que ce premier volume nous conduit jusqu’aux Cent-Jours, pourraient dire que ce livre s’arrête au moment où la vie politique commence. Ils se tromperaient ; car, s’il est exact que la vraie vie politique de Chateaubriand s’ouvre après l’Empire, la longue période qui précède n’est pourtant pas qu’une simple introduction à cette carrière publique. En tout cas, c’est la thèse que soutient M. Cassagne : pour lui, la vie politique de René s’ouvre un quart de siècle avant la date où on la fait généralement commencer.

  1. La vie politique de François de Chateaubriand, t. I (Consulat, Empire, Première Restauration), par M. Albert Cassagne, 1 vol. in-8 ; Plon, 1911.