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Bemetz, comme disait pour « simplifier » Mlle Diderot. — Il mit sous forme de dialogues aussi vifs que substantiels Les leçons de clavecin et principes d’harmonie que ce musicien publia pourtant sous son seul nom en 1771. Aussi, malgré la générosité de Diderot qui assure dans la préface du traité n’avoir été que le correcteur du français tudesque de son protégé, son éditeur et commentateur récent, Assézat, reste si persuadé du contraire, qu’il a inséré in extenso dans des Œuvres du philosophe cet écrit qui en remplit presque tout le tome XIIe. Au surplus, Bemetzrieder ayant donné au public en 1776 un autre ouvrage qui était vraiment de sa façon, il y mit non seulement son français tudesque, mais encore une lourdeur d’exposition et de méthode qui montre à quel point Diderot lui avait été précédemment secourable. — Ceci dit pour répondre d’avance à certains jugemens assez arbitraires que nous allons rencontrer sous la plume de Mannlich quand il s’agira de ses propres relations avec le même zélateur de son talent.

Diderot avait la modestie de penser qu’il avait beaucoup appris de Bemetzrieder en matière de musique : il espérait sans doute que Mannlich lui ouvrirait d’aussi fructueuses perspectives dans le champ des arts de la forme. Il ne manquait jamais, nous raconte le peintre, de l’accueillir avec les plus vives démonstrations d’amitié. Quand il s’occupait d’un travail pressé, il mettait un livre entre les mains de son visiteur, le priant de patienter auprès de lui quelques instans. Mannlich le regardait alors écrire et remarquait ses fréquens hochemens de tête : on aurait dit qu’il voulût appuyer du geste ce qu’il venait de jeter sur ses cahiers. Lorsque sa plume se posait plus lourdement sur la feuille, avec un grincement caractéristique, c’est qu’il confiait alors au papier une assertion particulièrement nouvelle et audacieuse. — La besogne terminée, il se prenait à interroger le jeune homme sur son art, parfois aussi sur ses vues morales ou religieuses, présentait ensuite des objections et discutait longuement avec son interlocuteur pour le contraindre, par une sorte de maïeutique, à mettre en plein relief les différens aspects de sa pensée.

Il le conduisait souvent dans l’atelier de quelques artistes célèbres dont il était l’ami particulier, afin de recueillir ses appréciations sur leurs travaux du moment. C’est ainsi qu’il l’introduisit chez Pigalle, pour connaître son sentiment sur le