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réjouit ou s’attriste comme eux du soleil et de la pluie, que le souci de la terre est vivant dans son cœur, qu’il y a entre l’école et la métairie une sensibilité commune, profonde, sincère, familière, qui s’étend aux joies et aux défaites de la vie agricole et dont l’expression elle-même devra toujours garder un caractère un peu paysan. Les moindres nuances sont précieuses quand on veut prendre lame de l’enfant.

La succession des travaux se déroule devant lui, attachée à une longue série de préceptes, de dictons et de proverbes où tous les saints du calendrier sont employés. À côté d’erreurs et de croyances puériles on y trouve des observations dont la justesse étonne, quand on a soin de ne pas les sortir du canton, parfois très circonscrit, auquel elles s’appliquent. Dans un village, le proverbe conseille de semer les fèves à la Saint-Michel, en terre tellement sèche que le grain, à peine recouvert, « devra voir le bouvier s’en aller, » et celui d’un village voisin d’attendre l’Octave des Morts :

À l’octave des Morts
La fève n’a pas tort.

Pourquoi cette différence entre deux communes limitrophes ? On est sûr de trouver dans l’une des terres très argileuses et imperméables qui sont gâtées par les labours humides, tandis que les terrains argilo-calcaires et sablonneux de l’autre les redoutent, beaucoup moins. Ne sourions donc pas de ces pauvres choses qui sont la sagesse sentencieuse des anciens. Ce serait une petite injustice, et leur mépris rejaillirait sur toute la vie agricole de la métairie.

Il faut rester très attentif à toutes les contingences qui entourent le petit paysan, et le patois n’est pas une des moindres. Grave question que celle du patois à l’école, qui a fait couler beaucoup d’encre, et ce n’est pas fini. Les uns l’en chassent tous les jours comme fâcheux et même ennemi, les autres l’y veulent conserver et soutiennent que, dans les pays de langue d’oc, il peut beaucoup servir à l’enseignement du français ; il est possible que quelques félibres ardens, — le soleil du Midi explique toutes les ardeurs, — rêvent de lui donner la première place en reléguant le français a la seconde. Nous sommes résolument pour que le patois ne soit pas exclu de l’école, et aux raisons qu’en ont données ses partisans nous en ajouterions