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s’interdit, cela va de soi, ni toute acquisition, ni tout échange ; mais si d’autres gros changemens territoriaux (n’est-ce pas la réponse à un passage assez énigmatique, et troublant par l’énigme même, — à moins, ce qui s’est vu, que l’énigme ne fût rien du tout, — du discours de M. Caillaux à Saint-Calais ? ), si d’autres grands changemens se produisent en Afrique, et s’ils peuvent s’opérer à l’amiable par des négociations, nous ne serons pas de la partie. Si l’Allemagne, particulièrement, en concluant des arrangemens amicaux avec d’autres pays, peut s’étendre en Afrique, nous ne nous mettrons pas en travers de son chemin. » Le chien britannique ne se couchera pas dans la mangeoire du cheval allemand pour l’empêcher de manger son avoine ; — c’est le seul trait d’humour de ce long exposé d’un ton si constamment soutenu, et il n’arrive qu’à la fin, lorsque sir Edward Grey, les sourcils détendus, n’a plus à distribuer que des sourires. L’Allemagne a tenu à obtenir l’accès au Congo et à l’Oubanghi : très bien ! l’Angleterre n’y fait point obstacle. Le chancelier de l’Empire allemand laisse entendre que son pays veut être puissant, mais ne veut pas être agressif : parfait ! si c’est vraiment l’esprit de la politique allemande, sir Edward Grey espère que « d’ici deux ou trois ans, toutes les craintes de guerre européenne se seront évanouies, non seulement entre l’Allemagne et l’Angleterre, mais entre ces deux pays et leurs amis respectifs. » La querelle marocaine va désormais être rayée des préoccupations de la diplomatie, et les relations anglo-allemandes vont en prendre une meilleure tournure, c’est le chancelier de l’Empire qui l’annonce : à merveille ! « Je salue sa déclaration, car elle s’applique à la France aussi bien qu’à l’Angleterre. » Avec les difficultés marocaines, disparaît, pour l’Allemagne et pour le Royaume-Uni, la nécessité d’être dans des camps opposés. Restent quelques arrangemens à intervenir entre la France et l’Espagne, où l’Angleterre est témoin, ou garant, sinon partie. Mais, depuis 1904, l’accord franco-anglais a été observé, à l’avantage des deux gouvernemens et des deux peuples, dans son esprit et dans sa lettre. « J’ai confiance que le fait que nous avons, durant sept ans, en compagnie de la France, traversé un grand nombre de tempêtes suffira pour perpétuer entre la France et nous les relations de confiance mutuelle et de bonne volonté. »

C’est tout le discours de sir Edward Grey, dont on me pardonnera d’avoir refait si longuement l’analyse, mais ce n’est pas tout à fait tout. Pour le placer tout à fait dans son jour, pour le mettre au point, si l’on ose le dire, mathématiquement, quelque précis qu’il ait été