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l’ambassadeur d’Allemagne qu’il ne conclue pas, de ce que le gouvernement anglais se taisait, que l’Angleterre se désintéressait absolument et du Maroc et de ce qui, au sujet du Maroc, se préparait entre l’Allemagne et la France. » À ce langage mesuré, mais ferme et clair, le comte Wolff-Metternich ne répliqua rien, ou peu de chose. Or, ce même jour, 21 juillet, M. Lloyd George avait promis d’assister à un grand banquet à Mansion-House. Quand un ministre assiste à un de ces banquets, ce n’est pas généralement, ou du moins ce n’est pas seulement pour dîner. « Il me consulta, poursuit sir Edward Grey, il me consulta ainsi que M. Asquith sur ce qu’il devait dire. Tous les trois nous convînmes que l’opinion publique serait égarée si un ministre du tout premier rang ne faisait aucune allusion aux affaires étrangères dans un pareil moment. Le chancelier de l’Échiquier s’exprima en termes très généraux ; son discours ne contint aucune menace, il n’y eut pas de « Bas les mains ! » Il ne dit pas que l’Allemagne réclamait des satisfactions incompatibles avec les intérêts anglais ; il dit simplement que, si les intérêts anglais étaient affectés, nous ne pouvions pas être traités comme ne comptant pas dans le monde. »

Cette fois, il tonnait à Londres, et ce n’étaient plus les échos du tonnerre allemand qui revenaient à Berlin. Le 24, l’ambassadeur d’Allemagne, sortant de sa retraite spontanément, je veux dire « d’ordre de son gouvernement, » qui sortait enfin de son silence, se rendit, sans y être appelé, chez sir Edward Grey. Qu’était-ce que ce bruit ? Et quel malentendu ! « Pas un homme, jura-t-il, n’a été débarqué à Agadir. Jamais l’Allemagne n’a eu l’intention d’établir là une base navale. C’était pure hallucination, et le gouvernement allemand regrettait que ses desseins eussent été de la sorte travestis par ses ennemis. » — « Bien, riposta, ou à peu près, sir Edward Grey. On va me demander au Parlement ce qui se passe à Agadir. Puis-je dire, d’après le gouvernement allemand, que nul homme n’a débarqué ? » L’ambassadeur pria sir Edward Grey de ne faire de sa communication aucun usage public jusqu’à ce qu’il eût pris l’avis de son gouvernement. Cet avis ne tarda guère. Dès le lendemain, 25 juillet, le comte Wolff-Metternich le porta au Foreign-Office. C’était un « non » catégorique. Et le commentaire dont il était accompagné, le style dans lequel ce commentaire était écrit, le ton sur lequel il fut lu étaient plus catégoriques encore. Il serait trop faible de dire que le gouvernement allemand n’avait pas été content du discours de M. Lloyd George, ou même qu’il en avait été mécontent. Mais, lorsqu’il est plus que mécontent, le gouvernement allemand le laisse aisément