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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Quelque confiance que veuille bien mettre en moi l’indulgente amitié de M. Francis Charmes, je ne me dissimule point combien sont grandes les difficultés de la tâche qu’il me laisse, pour un très court intérim, dans des circonstances où j’ai profondément à cœur d’exprimer son opinion autant que la mienne. Cette opinion sur les grandes affaires qui en ce moment tiennent le monde attentif et presque anxieux, je la connais par de longues conversations, je suis certain de ne pas la trahir, j’espère ne pas la déformer, et il ne me reste qu’à prier le lecteur, à l’ancienne mode, d’excuser, faute d’expérience et d’habitude de ma part, les défaillances probables ou possibles de l’auteur.


A la veille du jour, lundi 27 novembre, où sir Edward Grey, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, allait exposer, devant la Chambre des Communes, les principes, les actes et les intentions de la politique britannique, la curiosité s’était faite plus vive ; il s’y était mêlé en Allemagne beaucoup de colère, en France un peu d’émotion, en Angleterre même un soupçon d’inquiétude. Outre-Rhin, il n’eût pas fallu solliciter longtemps tous les journalistes de l’Empire pour leur faire dire que le sort de l’Europe dépendrait des paroles que prononcerait à Londres le ministre du roi George. Malgré sa franchise si apparente que, sur plus d’un point, elle pouvait sembler affectée ou outrée, — à cause, peut-être, de sa crudité même, — le petit récit d’histoire contemporaine que M. de Kiderlen-Waechter avait pris soin de faire courir, le 24, sur les fils faussement confidentiels de l’agence Wolff n’avait pas endormi les vieilles rancunes : il avait éveillé de nouveaux mécontentemens, et la révélation ajoutait au mystère plutôt qu’elle ne le dissipait. D’abord, pourquoi cette révélation