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N’est-il pas immoral que des vieillards riches possèdent cent femmes ou même davantage ? Ces femmes, privées en fait du mariage et vouées à la claustration du harem, sont pour la plupart des filles du peuple. Voilà pourquoi, dans le monde qui travaille, tant de jeunes gens ne peuvent pas trouver de compagnes et vivent dans le célibat avec toutes ses funestes conséquences.

Pour faire l’éducation économique des Marocains, il faudrait leur apprendre à dépenser autrement qu’ils ne le font l’argent gagné, leur donner le goût des arts, du confort moderne, de notre vie intellectuelle. Mais une semblable éducation est-elle possible dans une société polygame ? Notre vie sociale avec ses réceptions familiales et mondaines ne peut exister dans un pays où la séparation des sexes est rigoureusement pratiquée, où les prescriptions religieuses interdisent la musique et la peinture, où l’architecture elle-même est bannie par la jalousie des maris qui veulent des maisons sans fenêtres. On ne trouve au Maroc aucun luxe dans la toilette, dans l’ameublement, parce que les accessoires élégans, qui font l’agrément de notre vie, n’ont pas leur raison d’être sans relations sociales.

Chez nous, la femme inspire souvent les poètes par sa beauté, sa grâce ; au Maroc, il n’y a pas de poésie, parce qu’en perdant la liberté, la femme a été privée de son principal attrait.


Nous avons successivement passé en revue toutes les classes de la société et constaté les réelles qualités de ce peuple marocain, actif, intelligent, apte à tous les travaux. Il produit peu parce qu’il est sobre et que ses goûts sont modestes à l’excès, peut-être aussi parce qu’il ignore l’économie et ne sait que faire de l’argent. En lui apportant la sécurité, nous lui donnerons le sens de l’épargne ; par une éducation facile à entreprendre nous lui inculquerons la notion et le goût du confort européen ; mais pour parachever cette éducation économique, on devra au préalable l’amener à rendre à la femme la place qu’elle doit occuper au foyer domestique et dans le monde.

Collaboratrice et associée de l’homme, la femme est dans son rôle en dépensant pour le bien de tous les revenus communs