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où, très fidèle à ses contrats de travail, il a été partout, — lui, l’ancien brigand, — considéré comme un homme de confiance. On lui a, pendant un an, attribué les fonctions de gardien de caisse dans une banque d’Oran, et aujourd’hui, c’est chez lui que les voisins, partant en voyage, déposent leurs économies.

Le service des allaires indigènes, confirmant ces observations, me cite d’autres faits du même genre prouvant que le cas d’Ali-ben-Maïmoune n’a rien d’exceptionnel.


Nous allons passer à une catégorie de nomades vivant dans une condition plus relevée. Le 14 juillet dernier, je me trouvais à Rabat où et Gebeli, Marocain très connu dans la région, me transmit l’invitation à déjeuner des habitans d’un douar zaër installé à 25 kilomètres de la ville, sur la rive gauche de l’oued bou Regreg. et Gebeli m’affirma que, quoique vivant en état d’hostilité avec nous, les Zaërs respecteraient en nia personne le caractère sacré de l’hôte qui, par une fiction chevaleresque, est considéré comme un membre de la tribu, dès qu’il a passé le seuil d’une de ses tentes.

Nous franchissons, Gebeli et moi, la double enceinte de Rabat. La femme et le fils de mon guide nous accompagnent, ainsi qu’un serviteur. Je dois ici ouvrir une parenthèse et dire un mot de ce très intéressant ménage. Une jeune fille russe, poitrinaire au dernier degré, — au dire des médecins, — s’était retirée à Alger, pour y mourir, il y a huit ans. Elle rencontra un jeune Marocain européanisé par un long stage dans l’armée italienne : il lui plut et elle l’épousa, très persuadée qu’elle lui donnait à peine quelques mois de vie accordés par des médecins au diagnostic infaillible.

Les médecins s’étaient-ils trompés, ou bien le mariage marocain serait-il un remède nouveau et infaillible contre la tuberculose ? C’est elle aujourd’hui qui nous accompagne à cheval et va faire une promenade de 50 kilomètres. En huit ans, elle a transformé en gentleman accompli le fils du gardien de la principale mosquée de Rabat. Pas un nuage n’a, en huit ans, troublé cette union entre deux conjoints pourtant bien dissemblables : une Slave polyglotte très instruite et très femme du monde, et un Marocain qui, fier de son origine arabe, se