Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/857

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Avant que la France n’eût pris pied dans le Nord de l’Afrique, les nomades organisateurs des caravanes et producteurs du bétail étaient les véritables maîtres du pays. C’est par leur intermédiaire que des relations commerciales très suivies avaient lieu entre le Soudan et les riches contrées de la côte barbaresque, ils étaient les pourvoyeurs des marchés d’esclaves.

Le commerce avec le Soudan diminua sensiblement d’importance le jour où, par le fait de notre présence dans les ports algériens, la marchandise humaine ne trouva plus de débouchés. Tandis que les nomades perdaient de ce fait une source importante de bénéfices, ils voyaient se restreindre chaque jour de plus en plus les terres en friches qui leur avaient servi jusque-là de pâturages, car au Maroc l’agriculture prit tout à coup une grande extension.

La transformation économique du pays, la division et le partage de la propriété qui en sont les conséquences amènent à l’heure actuelle les nomades à changer de conditions d’existence et à se fixer au sol, à y prendre racine en quelque sorte. Ceux d’entre eux qui, irréductiblement attachés à la tradition, ont voulu continuer la vie libre sous la tente, deviennent des parasites et, à ce titre, sont peu à peu rejetés par la communauté marocaine sédentaire qui est devenue plus puissante et plus riche.

Je vais, par les observations recueillies au cours de ma récente mission, prendre sur le fait l’évolution qui commence pour aboutir dans un avenir probablement encore lointain à la disparition du nomadisme.


Sur le chemin qui mène de Beni-Ounif à Figuig, tout près de Zenaga, nous rencontrons un campement de nomades très pauvres, qui ont planté leurs six tentes sur un terrain rocailleux, dominé par un marabout blanc. Hadj Mohammed ben Amali, le chef de famille, a une quarantaine d’années : il a trois femmes et une négresse capturée au cours d’une razzia récente ; ses deux fils ont chacun deux femmes. Je compte un total de dix-sept enfans de six mois à quinze ans. Deux serviteurs ou associés complètent cette colonie de trente nomades. Le groupe que nous avons sous les yeux fait partie d’une tribu