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NOTES SUR LA VIE MAROCAINE

Les Marocains ont réussi pendant des siècles à s’isoler presque complètement du reste du monde : ils s’étaient bien réservé la possibilité d’aller chercher au dehors les produits ou les denrées qui leur étaient nécessaires ; mais, n’usant pas de réciprocité à l’égard de l’étranger, ils lui avaient à peu près interdit l’accès de leur territoire. Tandis que l’influence de l’Europe se propageait dans les contrées les plus lointaines en Amérique et en Asie, elle était arrêtée aux portes mêmes du vieux continent par un peuple barbare, qui gardait avec son organisation familiale et sociale ses mœurs et ses préjugés.

Les événemens récens vont modifier cette situation : de gré ou de force, le Maroc va cesser de faire bande à part. A l’heure où nous allons entreprendre la transformation matérielle et morale de ce pays très neuf, il est intéressant de se demander si, dans l’œuvre civilisatrice qui commence, les Marocains seront nos adversaires irréductibles ou nos collaborateurs.

Nous allons inviter nos lecteurs à pénétrer avec nous sous la tente des nomades, dans les gourbis des villageois berbères, chez l’ouvrier pauvre et le petit bourgeois des villes, et enfin dans la somptueuse demeure du grand seigneur enrichi au service du maghzen. Nous interrogerons successivement des représentans de toutes les classes sociales à Figuig, chez les Angads et les Zaërs, dans le Rif et dans la Chaouia. Tous nous diront l’appréhension très vive qu’ils éprouvent à la pensée de