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être que des jeux d’enfant, comparés à la découverte du carré de l’hypoténuse et de la rotation de la terre. Remarquez que Molière lui-même, si grand dans les lettres, n’a fait que nous révéler des traits de notre propre caractère, traits que, grâce à lui, nous reconnaissons en nous ou en autrui ; nous les connaissions sans les avoir dégagés et remarqués ; mais le savant de génie nous révèle ce que nous ne connaissions d’aucune manière ; il nous apprend quelque chose au lieu de se borner à nous faire reconnaître ce que nous savions implicitement déjà. Oui, en vérité, les littérateurs qui ne sont que littérateurs me semblent des enfans auprès des savans. Il n’y a peut-être pas dans toute l’œuvre de Hugo une seule beauté aussi sublime que le calcul de Leverrier assignant sa place dans le ciel à une planète inconnue. Mais je sens que je suis peut-être injuste et inexact en prêtant à tout le monde l’amour de la vérité, qui, chez la plupart, est bien inférieur à l’amour de la beauté. C’est que je ne suis pas assez artiste. Puis, je vous dis tout ce qui me passe par l’esprit, et sans doute la réflexion m’en ferait beaucoup rabattre…


SULLY PRUDHOMME.